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Exemple 2  Le narrateur extérieur
                         Julien fut réveillé de sa rêverie profonde, parce que la voiture s’arrêta. On venait d’entrer
                         dans la cour des postes, rue J.-J. Rousseau.
                         – Je veux aller à la Malmaison, dit-il, à un cabriolet qui s’approcha.
              – À cette heure monsieur, et pour quoi faire ?
              – Que vous importe ! Marchez.
              Toute vraie passion ne songe qu’à elle. C’est pourquoi, ce me semble, les passions sont si ridicules à
              Paris, où le voisin prétend toujours qu’on pense à lui. Je me garderai de raconter les transports  de Julien
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              à la Malmaison.
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              Analyse
              Dans ce récit, le narrateur raconte l’histoire de Julien Sorel, qui est tombé amoureux d’une femme mariée
              et va avoir l’occasion de la revoir. Il nous narre le départ du jeune homme en insistant sur la surprise du
              cocher qui conduit le cabriolet. C’est en revanche dans une pause narrative, dans un passage au présent
              et au futur de l’indicatif, que le narrateur donne son avis sur la décision du personnage, qui confirme la
              surprise du cocher. Cet avis est important parce qu’il indique une prise de distance du narrateur vis-à-vis
              de son personnage et invite le lecteur à avoir un regard critique sur lui.















              Exemple 3  L’alternance de points de vue

                          Lui, qu’une gêne gagnait à présent, l’avait examinée d’un regard oblique. Elle ne devait pas
                          être trop mal, et jeune à coup sûr, vingt ans au plus. Cela achevait de le mettre en méfiance,
                          malgré un doute inconscient qui le prenait, une sensation vague qu’elle ne mentait peut-être
                          pas absolument. En tout cas, elle avait beau être maligne, elle se trompait, si elle croyait le
              tenir Il exagéra son allure bourrue, il dit d’une grosse voix : “Hein ? couchons-nous, ça nous séchera.”
              Une angoisse la fit se lever. Elle aussi l’examinait, sans le regarder en face, et ce garçon maigre, aux
              articulations noueuses, à la forte tête barbue, redoublait sa peur, comme s’il était sorti d’un conte
              de brigands, avec son chapeau de feutre noir et son vieux paletot marron, verdi par les pluies. Elle
              murmura :
              “Merci, je suis bien, je dormirai habillée.”
                                                                                          Zola, L’Œuvre, 1886
              Analyse
              Ce passage narre la première rencontre du peintre Claude Lantier et Christine Hallegrain qui
              deviendra son modèle. L’alternance de deux points de vue a ici son intérêt car elle permet de percevoir
              successivement le point de vue masculin d’abord (premier paragraphe). L’insertion d’une phrase de
              dialogue impliquant les deux personnages, par l’emploi du « nous », permet insensiblement le passage
              vers le point de vue de la jeune femme. Tous deux s’observent (« Lui (…) l’avait examinée », « Elle aussi
              l’examinait »), le lecteur connaît ainsi leurs sentiments l’un envers l’autre dans cette scène déterminante
              au début du roman.








          2   Mouvements violents de passion qui nous mettent hors de nous-même, enthousiasme.


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