Page 52 - Fondamentaux Cned
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Exemple
« Partagez-vous l’opinion suivante : le désintérêt des jeunes pour la lecture peut s’expliquer par la place
croissante des nouveaux médias (internet, réseaux sociaux...) et l’influence de la télévision ? »
L’énoncé amène à s’interroger :
1. sur l’influence de la télévision et la place croissante des nouveaux médias.
2. sur les autres causes de ce désintérêt.
Mais la question ne porte pas sur l’existence en elle-même de ce désintérêt qui apparaît comme une évidence
(sous forme de présupposition). Discuter de la réalité de ce désintérêt, c’est s’écarter du sujet.
Implicite et ironie
L’implicite est, enfin, souvent présent dans les textes dont le registre est ironique, puisque l’ironie est
une manière de se moquer, par exemple en disant le contraire de ce que l’on veut faire comprendre.
C’est ici qu’intervient l’implicite qui représente la véritable pensée de l’auteur.
Exemple
Le philosophe Alain, dans un « Propos », paru dans La Dépêche de Rouen, du 20 mars 1910, fustige l’égoïsme
des propriétaires actionnaires de la mine de Courrières, après la catastrophe survenue dans cette dernière.
Tout le texte est une antiphrase ironique (« Je plains ces pauvres riches »), dont la véritable portée est
implicite. Voici le texte.
Alain (Émile Chartier, dit Alain, 1868 - 1951)
La catastrophe de Courrières (Pas-de-Calais) causa, en 1906, la mort de 1 200 mineurs. Elle fut suivie de
grèves réprimées par l’armée. Les familles des victimes furent indemnisées par une souscription de solidarité
et non par les actionnaires propriétaires de la mine.
J’approuve tout à fait cette souscription nationale pour venir en aide aux actionnaires des mines de Courrières,
qui ont été si cruellement éprouvés. Il est clair que, moralement, sinon en droit strict, ils devraient, sur les
bénéfices qu’ils ont faits et feront, réparer tout ce qui est réparable dans la catastrophe, c’est-à-dire se
charger, et dès maintenant, des veuves et des orphelins. Cela est de morale stricte ; cela serait même de droit
si l’on y regardait de près ; car il n’y a point ici force majeure, mais fait de l’homme, imprévoyance, précipitation,
négligence de l’homme. Seulement, le droit strict et la morale stricte ont quelque chose ici d’un peu trop cruel.
Voilà de brillantes jeunes filles offertes avec une brillante dot ; faudra-t-il réduire la dot ? Et cette «quarante
chevaux» du dernier modèle, faudra-t-il renoncer à l’avoir ? Et cet hôtel si confortable, qu’ils ont à bail,
comment voulez-vous qu’ils s’en débarrassent ? Toutes les dépenses se tiennent, et l’on ne sait vraiment par
où commencer. Quant à ce voyage aux eaux, il est nécessaire. La santé avant tout, n’est-il pas vrai ? Ma foi, je
plains ces pauvres riches. Ils ont leurs besoins aussi ; et les besoins d’habitude ne sont pas moins impérieux
que les autres. J’ai pitié de cette jolie blonde, si correctement assise dans son coupé électrique ; et ce jeune
homme avec son pardessus à taille, à quoi passera-t-il son temps s’il ne joue au baccarat ? Les femmes le
guettent, et je crains pour sa vertu. Mais oui, je souscris, et de tout mon cœur. Allons messieurs et mesdames,
un bon mouvement. Vous surtout, gens de peu, qui avez l’habitude de vous priver. Allons, soyez humains. La
charité s’il vous plaît, pour les actionnaires de Courrières.
20 mars 1910.
à Révolté par le refus des actionnaires d’indemniser les familles des victimes, Alain fait semblant de soutenir
une prétendue souscription en faveur de ces actionnaires : cela lui permet de montrer leur sécheresse de cœur.
CNED – SECONDE – FRANÇAIS 51