Page 204 - Livre2_NC
P. 204
Haile Gerima / Où sont les femmes cinéastes africaines ? 195
dentale, pour toute l'expression démente des hommes dans le monde occi-
dental, la cause fondamentale pourrait être littéralement tracée à l'absence
des femmes en tant que rôle de conteuses.
L'expérience et le point de vue des femmes est un point de
vue indissociable pour tout monde qui tente de développer un système so-
cial démocratique plus harmonieux. Le point de vue des femmes dans le
cinéma est le chapitre manquant. Le cinéma africain a encore une chance
de corriger cette inégalité d'accès. Il appartient à tous les cinéastes, notam-
ment de tirer les leçons de l'Europe, et de créer les conditions permettant
de libérer la pleine participation de toutes les femmes.
Il est un fait, à ce jour, qu'il n'existe pas une seule industrie ci-
nématographique africaine. C'est aussi un fait que la plupart des idées qui
ont été mises en images sont financées par des capitaux extérieurs, et c'est
aussi un fait que les cinéastes africains sont impuissants et que, dans la plu-
part des cas, ils ne font même pas les films qu'ils veulent faire. Les soi-di-
sant intellectuels et guerriers de la libération de l'Afrique. De manière
sélective, les idées qu'il considère comme importantes à réaliser. Un grand
nombre de cinéastes africains écrivent aujourd'hui des idées de films pour
obtenir l'approbation des européens et des américains. Le processus créatif
même qui est important dans la réalisation des films est prématurément in-
tercepté par des considérations extérieures. On peut dire que nous sommes
des conteurs de substitution pour les établissements financiers néocolo-
niaux. Dans ces réalités et conditions, les cinéastes africains peuvent se sen-
tir impuissants et même désespérés pour leur propre intérêt, plutôt que pour
la transformation collective du cinéma africain. L'émergence des femmes
cinéastes est cruciale. Il existe au moins plus de deux cents néocoloniaux
masculins autoproclamés. Alors qu'il n'y a que moins de dix femmes ci-
néastes africaines. C'est un commentaire tragique sur tous les soi-disant in-
tellectuels et guerriers de la libération de l'Afrique.
Festival après festival, 99% des cinéastes africains de sexe mas-
culin se réunissent, défilent, discutent et adoptent des résolutions. A aucun
moment, à ma connaissance, il n'y a eu un ordre du jour qui incluait l'ab-
sence de réalisatrices africaines. Cela témoigne de l'inégalité du chemin
parcouru par le cinéma africain. Qu'en est-il de nos grands-mères, de nos
mères et de nos sœurs ? Bien que, à en juger par notre propre expression,
ces femmes aient joué un rôle important dans les années de formation de
ces cinéastes masculins, en fait, la plupart de nos histoires sont appropriées,