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Haile Gerima / Où sont les femmes cinéastes africaines ?     195

         dentale, pour toute l'expression démente des hommes dans le monde occi-
          dental, la cause fondamentale pourrait être littéralement tracée à l'absence
          des femmes en tant que rôle de conteuses.

                        L'expérience et le point de vue des femmes est un point de
         vue indissociable pour tout monde qui tente de développer un système so-
          cial démocratique plus harmonieux. Le point de vue des femmes dans le
          cinéma est le chapitre manquant. Le cinéma africain a encore une chance
          de corriger cette inégalité d'accès. Il appartient à tous les cinéastes, notam-
          ment de tirer les leçons de l'Europe, et de créer les conditions permettant
          de libérer la pleine participation de toutes les femmes.

                   Il est un fait, à ce jour, qu'il n'existe pas une seule industrie ci-
          nématographique africaine. C'est aussi un fait que la plupart des idées qui
          ont été mises en images sont financées par des capitaux extérieurs, et c'est
          aussi un fait que les cinéastes africains sont impuissants et que, dans la plu-
          part des cas, ils ne font même pas les films qu'ils veulent faire. Les soi-di-
          sant intellectuels et guerriers de la  libération  de  l'Afrique. De  manière
          sélective, les idées qu'il considère comme importantes à réaliser. Un grand
          nombre de cinéastes africains écrivent aujourd'hui des idées de films pour
          obtenir l'approbation des européens et des américains. Le processus créatif
         même qui est important dans la réalisation des films est prématurément in-
         tercepté par des considérations extérieures. On peut dire que nous sommes
         des conteurs de substitution pour les établissements financiers néocolo-
         niaux. Dans ces réalités et conditions, les cinéastes africains peuvent se sen-
         tir impuissants et même désespérés pour leur propre intérêt, plutôt que pour
         la transformation collective du cinéma africain. L'émergence des femmes
         cinéastes est cruciale. Il existe au moins plus de deux cents néocoloniaux
         masculins autoproclamés. Alors qu'il n'y a que moins de dix femmes ci-
         néastes africaines. C'est un commentaire tragique sur tous les soi-disant in-
         tellectuels et guerriers de la libération de l'Afrique.

                   Festival après festival, 99% des cinéastes africains de sexe mas-
         culin se réunissent, défilent, discutent et adoptent des résolutions. A aucun
         moment, à ma connaissance, il n'y a eu un ordre du jour qui incluait l'ab-
         sence de réalisatrices africaines. Cela témoigne de l'inégalité du chemin
         parcouru par le cinéma africain. Qu'en est-il de nos grands-mères, de nos
         mères et de nos sœurs ? Bien que, à en juger par notre propre expression,
         ces femmes aient joué un rôle important dans les années de formation de
         ces cinéastes masculins, en fait, la plupart de nos histoires sont appropriées,
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