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             lution cubaine de 1959 et la guerre d'indépendance algérienne. La Révolu-
             tion cubaine a poussé des cinéastes comme Octavio Getino et Fernando
             Solanas à se regrouper autour de l'idée d'un cinéma qui se distingue, non
             pas par les lieux qu'il met en scène, les langues qu'il parle ou la profondeur
             de la représentation de la psychologie des personnages.

                     Comme le suggère Nicolas Marzano, ces films se distinguent par
             « l'idéologie qu'ils épousent et la conscience qu'ils affichent  ». Solanas,
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             Getino et,  plus tard,  Fernando  birri,  Tomás  Gutiérrez  Alea  et  Julio
             García Espinosa convergent autour du projet de troisième cinéma. Leur
             dis-  cours  et leurs  idées théoriques  ont encadré  le  cinéma  nationaliste
             africain et ont contribué à définir son esthétique.

                     En 1958, la Guinée, sous la direction du syndicaliste Sékou Touré,
             revendique son indépendance vis-à-vis de la France. Le rêve de De Gaulle
             d'un « Commonwealth francophone » reçoit un premier coup et, quelques
             mois plus tard, la « liberté » est célébrée dans les rues de Conakry. Dans le
             reste du continent, diverses négociations d'indépendance sont en cours, sti-
             mulées par un profond sentiment de renouveau à la fin de la Seconde Guerre
             Mondiale. Un état d'esprit similaire a prévalu parmi les cinéastes engagés
             dans la lutte contre les clichés ancrés dans les archives coloniales. Plusieurs
             réunions ont eu lieu, toutes fondées sur des activités similaires dans le sud
             de l'Atlantique, dans un espace géographique différent, et avec des histoires
             différentes. En 1965, le Brésilien Glauber Rocha a proposé une vision ra-
             dicale du cinéma dans son manifeste L'esthétique de la faim. Dans cet ou-
             vrage, il soutient, sur le modèle de Fanon, que la violence est la réaction la
             plus « noble » à la faim accablante dont souffre la majorité des pauvres du
             Brésil. Selon lui, le cinéma ne doit pas fournir aux spectateurs des caches
             en Technicolor pour leur misère, mais les confronter à leur incapacité à re-
             connaître et à apporter une solution radicale à leur propre sort  .
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             Deus e o diabo na terra do sol / Black God, White Devil (1964), un film
             dont l'intrigue traite de questions similaires aux intrigues de Borom Sarret
             (de Ousmane Sembène, 1963, Sénégal), Xala (de Ousmane Sembène,
             1973, Sénégal), pour ceux qui savent (1971) dépeint les conséquences de
             l'indécision pour les pauvres et les affamés. En 1967, le Brésil a connu un
             coup d'État sanglant. Rocha produit un film très remarqué (Terra em transe,
             1967) qui met en scène les périls encore plus grands de l'indécision en ces
             temps politiquement troublés. Les déclarations et les réalisations esthétiques
             de Rocha ont jeté les bases du cinema novo. Ses partisans considéraient
             que la beauté était un moyen et non une fin en soi, et préconisaient des
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