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             La FEPACI et son héritage artistique


             Sada Niang


                  L  présentation, la critique et la contextualisation du cinéma africain ont
                    a
        traditionnellement commencé par l'expérience africaine de la moder-  nité. Dans son
        ouvrage de 1992 intitulé African Cinema: Politics and Cul- ture, Manthia Diawara
        situe l'émergence du cinéma africain, de ses récits de libération et de son esthétique
        réaliste  dans  une  volonté  de  réfuter  les  ré-  ductions  du  passé  colonial.  Frank
        Ukadike,  dans  son  ouvrage  le  plus  com-  plet  Black  African  Cinema, dévoile
        l'imagerie inventive du cinéma et des films coloniaux  . Dans les chapitres suivants,
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        s'appuyant sur les écrits de Ngugi Wa Thiong'o, de Frantz Fanon et de divers
        autres théoriciens de l'expérience coloniale, Ukadike élabore une grille d'analyse
        des films réalisés par des africains de diverses régions du continent.


             Joseph Gugler et Melissa Thackway insistent tous deux sur la nécessité
             pour les cinéastes africains  des années  1960  et 1970 de  renouveler les
             constructions identitaires de leurs peuples  . Enfin, dans son ouvrage Fran-
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             cophone African Cinema: History, Culture, Politics and Theory, K. Martial
             Frindéthié reprend les traits dominants de cette approche historique avant
             d'analyser thématiquement les films de Sembène  . Presque inévitablement,
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             le cadre théorique de ces études repose sur l'une des expériences historiques
             les plus importantes du continent: sa domination par l'Occident à partir du
             début du XXe siècle. Alors que le cinéma africain nationaliste reconnaît
             dûment la validité et la contribution de ces études, il propose également
             d'élargir le contexte de l'émergence du cinéma africain en soulignant sa
             connexion avec les cinéastes latino-américains et sa solidarité situationnelle
             avec le cinéma mondial dans son ensemble  . Car, autant la première géné-
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             ration de cinéastes africains a élaboré « un cinéma de révolte contre le co-
             lonialisme,  puis  contre  le  néocolonialisme,  la  dépendance  et
             l'eurocentrisme », autant elle a inscrit sa création dans un vaste mouvement
             de contestation de la domination coloniale en Afrique, des régimes dictato-
             riaux en Europe, en Amérique latine et des politiques conservatrices au Ca-
             nada et aux Etats-Unis  . Dans le même temps et comme le souligne roy
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             armes, la plupart de ces cinéastes font partie d'une élite africaine émer-
             gente, ont été formés à l'étranger dans certaines des écoles de cinéma les
             plus prestigieuses d'Occident et, à ce titre, présentent des traits sociolo-
             giques particuliers qui vont influencer leurs tendances créatives.
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