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             Photo 2. Image fixe du film Touki Bouki de Djibril Mambéty Diop (1973)

             l’expression d’une force sociale plutôt qu’une personnalité contradictoire.
             Tandis que le cinéma algérien se fait globalement exaltation du nationa-
             lisme, le cinéma marocain, sous « les années de plomb », met l’accent sur
             le poids des traditions, faisant de l’enfermement une figure centrale, comme
             dans le silence violent de la maison d’Aïcha dans El Chergui (Le Silence
             violent, Moumen Smihi, 1975). Le cinéma tunisien quant à lui soumet le
             discours officiel à la réalité sur le mode du « désenchantement national »,
             pour reprendre l’expression de Hélé Béji , comme Ridha Behi dans Soleil
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             des hyènes en 1976 qui traite de l’ouverture incontrôlée du pays au tourisme
             étranger ou Néjia Ben Mabrouk dans La Trace en 1982 qui analyse la dés-
             illusion d’une femme qui veut faire des études supérieures .
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                La question des valeurs qui fondent une société, un Sénégalais la situe
             avec brio comme la quête d’un imaginaire. Pour lui, c’est le non-confor-
             misme qui permet de penser son origine. Manifeste surréaliste et prophé-
             tique,  Touki  bouki  (Djibril  Mambety Diop,  1973) marquera  tous  les
             cinéastes africains. Anta et Mory sont tous deux attirés par l’aventure occi-
             dentale (« Paris, Paris, ce petit coin de paradis »), mais l’une prendra le ba-
             teau tandis que l’autre retourne à ses racines. Le film n’indique surtout pas
             le bon choix mais rend compte de la déchirure d’une société dont tous les
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