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Olivier Barlet / Les six décennies des cinémas d’Afrique     228

          Les six décennies des cinémas d’afrique


          Olivier BARLET


                   «On n’écrit jamais qu’une seule chose, on écrit ce qui nous empêche
                                  de dormir ; comment dire aujourd’hui l’Histoire ?»
                                                                          1
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          1. Années 60 : l’obligatoire engagement
                            «O frères, si notre syntaxe n’est pas un rouage de la liberté
                              si nos livres doivent encore peser sur l’épaule du docker
                    si notre voix n’est pas un relais d’étoile pour le cheminot et le berger
                         si nos poèmes ne sont pas des armes de justice entre les mains
                                                              de notre peuple ;
                                                           Oh, taisons-nous !»
                                                               - Jean Sénac   2
        L     e 7 mai 1954, après huit années de guerre au Vietnam, l’armée française
            est battue à Dien Bien Phu. C’est le début de la fin de l’Union française
          inscrite dans la Constitution de 1946. Après l’Ethiopie, le Liberia, l’Egypte,
          la Libye, le Soudan, le Maroc, la Tunisie, le Ghana et la Guinée, les Etats
          africains francophones accèdent à l’indépendance en 1960, puis l’Algérie
           et le reste des Etats anglophones jusqu’en 1965. Les Etats lusophones ne
          l’obtiendront qu’en 1974-75, au terme d’une lutte armée contre le régime
           Salazar. Les indépendances ne furent pas généreusement octroyées mais
          laborieusement conquises, résultat de la détermination des colonisés com-
          batifs et des anticolonialistes qui conjuguèrent troubles, révoltes, syndica-
         lisme et développement des idées nationalistes.

            Les écrivains avaient préparé le terrain en affichant la richesse culturelle
         du continent africain et en fustigeant le système colonial. Dès 1921, le
         Guyanais René Maran dénonce les méfaits du colonialisme dans Batouala
         mais obtient le prestigieux prix Goncourt. Il en perd son poste d’adminis-
         trateur en Oubangui-Chari. Le mouvement de la Négritude des années 30
         (Senghor, Césaire, Damas) se place sous le signe de la revendication avec
         des œuvres engagées et missionnaires, et un discours qui cherche à sortir le
          continent de la marge de l’Histoire en exaltant des valeurs dites « nègres »,
         référence à une approche spiritualiste et poétique du monde.
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