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Les cinémas africains : définitions,
identités et considérations théoriques
Alexie Tcheuyap
et essai réexamine les diverses considérations culturelles, historiques,
C ainsi que les nombreuses considérations politiques qui ont prévalu dans
la recherche cinématographique depuis la création du cinéma africain.
Depuis les débuts du cinéma africain. Ces paradigmes méritent d'être re-
considérés à la lumière du paysage postnational complètement transformé
où les biens, les cultures et les individus ont tendance à circuler plus faci-
lement entre et autour des frontières nationales. En outre, les réalisateurs
contemporains, dont beaucoup n'ont pas vécu d'expériences coloniales trau-
matisantes, ne se sentent pas obligés de « faire un film de retour » ou d'être
politiquement engagés. Non seulement ils explorent des genres, des lan-
gages, des formes et des systèmes totalement nouveaux, mais ils omettent
également les conceptualisations traditionnelles de la nation, de la race, du
continent et des contestations politiques, qui semblent parfois presque to-
talement absentes de leurs films. Dans un tel contexte, la conception du
« cinéma africain » comme essentiellement politique, ou rendu « authen-
tique » en raison de considérations raciales, géographiques ou culturelles
essentialistes, devient problématique, voir controversée.
Dans son dernier livre, African Film: New Forms of Aesthetics and Politics,
Manthia Diawara pose des questions pointues sur l'intérêt, ou plutôt le
manque d'intérêt, de certains films africains pour leurs spectateurs :
Pourquoi sommes-nous encore attirés par des films comme Borom Sarret et La
noire de... et moins intéressés par Afrique sur Seine (Paulin Soumanou Vieyra,
1955), qui est fait dans le langage du cinéma classique et met en vedette une actrice
professionnelle comme Marpesa Dawn ? Pourquoi les images de l'Afrique d'Ous-
mane Sembène sont-elles considérées comme plus riches et plus authentiques que
celles de son compatriote Vieyra, qui semble maîtriser le langage cinématogra-
phique ? On pourrait se poser la même question en comparant les premiers films
de Sembène à Moi un noir (1958) et Les Maîtres fous (1955) de Jean Rouch.
Pourquoi les films de Sembène sont-ils considérés comme plus authentiquement
africains que ceux de Rouch, qui ont également été tournés en Afrique et qui, à
d'autres égards, sont considérés comme novateurs dans le domaine de l'anthro-
pologie visuelle et de la Nouvelle Vague Française ?
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