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liste de Vieyra est soulignée par au moins un critique contemporain. Par
exemple, Visages de femmes / Faces of Women (de Désiré Écaré, 1984,
Côte d'Ivoire), le premier récit africain présentant une sexualité athlétique
active et une nudité frontale, et qui a également connu un grand succès com-
mercial en France, a été qualifié de « mi-occidental, mi-africain » par Nwa-
chuckwu Frank Ukadike . Cependant, il est devenu évident, avec les
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transformations mondiales et les circulations culturelles, que les délibéra-
tions ontologiques ne sont plus adéquates pour assumer la tâche d'examiner
les identités postcoloniales. Le concept d’ « africanité » est loin d'être ho-
mogène, et plusieurs réalisateurs s'en distancient résolument.
Le cinéaste burkinabè Idrissa Ouédraogo est très critique à l'égard
de l'étiquette même de cinéma « africain » qui, pour lui, n'est rien d'autre
qu'une sorte de ghetto théorique, voire une sorte de camisole métaphorique.
Bien qu'un tel qualificatif soit nécessaire à la construction de l'identité, le
terme « africain » est devenu un piège, car il reflète des exclusions:
Le problème des films africains est qu'ils sont toujours homogénéisés par la
perception de l'autre, l'Occident qui finit par penser que nous ne travaillons ni
sur les mêmes données, ni sur les mêmes valeurs que les leurs. Malgré sa phi-
losophie unique et son originalité distinctive, tout film produit en Afrique par
un Africain est regroupé d'avance dans la case « cinéma africain ».
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Le réalisateur gabonais Imunga Ivanga rejette également la « boîte
africaine » uniforme dans laquelle sont relégués tous les films de réalisa-
teurs africains. Pour lui, ces simplifications grossières sont inacceptables
face à l'expansion continue d'un monde sans frontières, mobile et diversifié,
où l' « authenticité » s'est révélée être une théorie pleine de confusion et
d'exclusion:
Que dire des films du Sud qui dépassent de loin leurs auteurs « sans-papier »
dans la représentation du caractère national du Nord ? En fait, les définitions
initiales [relatives à l'authenticité ou à l'africanité] deviennent rapidement ino-
pérantes parce que les désirs et les statuts de ces créateurs ne peuvent être en-
chaînés dans un carcan de fer. Les soi-disant cinéastes du Sud se définissent
selon les mêmes termes que Truffaut, Godard, Rohmer, Chabrol, tous auteurs
de la Nouvelle Vague .
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Le réalisateur camerounais Jean-Pierre Bekolo dédaigne
presque cette appellation car, selon lui, le « cinéma africain » n'existe
pas. Dans son entretien avec Nwachukwu Frank Ukadike, il est encore
plus catégorique dans son rejet de toute idée généralisée de « cinéma
africain », une notion qu'il réfute rigoureusement. Après avoir reconnu
ouvertement ce qu'il appelle son « penchant pour Hollywood » ainsi que