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             sont transformés en représentations cinématographiques des peuples du tiers
             monde  . Le cas spécifique de l'Afrique est analysé de manière convain-
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             cante dans Black African Cinema de Nwachuku Frank Ukadike, où l'au-
             teur affirme que les films coloniaux ont inversé les valeurs africaines en
             imposant la langue et la culture du colonisateur aux colonisés. Ils ont éga-
             lement servi à justifier les « escapades militaires » et la « mission civilisa-
             trice » de l'homme blanc.  Dans un contexte historique et idéologique aussi
             conflictuel, l'émergence de toute production cinématographique africaine
             ne pouvait que consister à contester les représentations triomphantes et
             odieuses des peuples noirs. Avec le déferlement de violence et d'aliénation
             que le colonialisme a imposé, les noirs ont été contraints, comme l'a observé
             Frantz Fanon, de reconsidérer le rôle de la culture et de sa représentation.
             Pour lui, la culture doit devenir « nationale » et contribuer à la libération
             politique.

                     C'est ainsi que le cinéma en Afrique, ou plutôt le cinéma « afri-
             cain », a été considéré comme essentiellement et uniquement militant. En
             d'autres termes, le cinéma ne pouvait être associé qu'à la formation de la
             nation. Au lendemain de l'indépendance et avec le pouvoir de représentation
             nouvellement acquis conféré par la caméra, la culture devait faire partie de
             la construction de la nation. C'est pourquoi le concept de nation, fondé sur
             les ruines du colonialisme, est inhérent au concept même de cinéma natio-
             nal. Dans plusieurs pays, le cinéma a joué un rôle dans la stratégie politique
             de libération.

                     Le cinéma comme outil de transformation sociale et de praxis po-
             litique en Afrique est à l'origine du résultat d'une construction institution-
             nelle. La  position  révisionniste des  films  africains  fondateurs  a été
             déterminée par les différents manifestes mis en place par les cinéastes et
             leur unique association, la Fédération Panafricaine des Cinéastes (FEPACI)
             qui a publié un ensemble de manifestes parmi lesquels « La Résolution de
             la Réunion des Cinéastes du Tiers Monde » à Alger (1973), « La Charte
             d'Alger sur le cinéma africain » (1975) et le « Manifeste de Niamey des Ci-
             néastes africains » (1982), tous documentés dans l'ouvrage African Expe-
             riences  of  Cinema  d'Imruh  Bakari  et  Mbye  Cham. En  général, ces
             manifestes distinguent les films africains comme ayant un agenda stricte-
             ment politique, comme l'illustre la déclaration suivante où les injonctions
             sont nombreuses :
                Pour assumer un rôle véritablement actif dans le processus de développement,
                la culture africaine doit avoir un caractère populaire, démocratique et progres-
                siste, inspiré par ses propres réalités et répondant à ses propres besoins. Elle doit
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