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Teshome H. Gabriel / Vers une théorie critique               369

         tiques comme stratégie rhétorique principale et moins sur le paradigme du
          conflit et de la résolution œdipienne.
                 Deuxièmement, sur le plan sémiotique, le modèle occidental de re-
          présentation cinématographique est essentiellement basé sur une conception
          littéraire ou écrite du scénario qui implique une conception linéaire, de cause
          à effet, de l'action narrative  . Or, les récits oraux du tiers-monde, fondés sur
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          la culture traditionnelle, sont maintenus en mémoire par un ensemble de stra-
         tégies formelles spécifiques aux récits répétés, oraux, en face à face.
                 Il n'est plus satisfaisant d'utiliser les critères critiques existants, qui
         peuvent être adéquats pour une pratique cinématographique (occidentale
         dans ce  cas) maintenant à un plateau de  pertinence, pour élucider une
         convention cinématographique nouvelle et dynamique dont la mobilité as-
         cendante aboutira à un langage cinématographique totalement nouveau.
         L'expérience du tiers-monde soulève donc des préoccupations fondamen-
         tales quant aux méthodes et/ou à l'engagement de la recherche traditionnelle
         sur le cinéma. La pratique cinématographique du tiers-monde réorganise et
         affine la syntaxe picturale et la position du « regardeur » (ou spectateur)
         par rapport au film. L'expérience cinématographique du tiers-monde est
         mue par les exigences de son action sociale, et elle est contextualisée et
         marquée par la stratégie de cette action. Il faut donc commencer à s'inté-
         resser à une nouvelle matrice théorique et analytique régie par d'autres théo-
         ries  critiques que  celles  existantes qui  revendiquent des  applications
         spécifiques pour des principes universels  .
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                 La contamination culturelle est une peur humaine profondément
         ancrée: elle sent l'anéantissement. Les pratiques spirituelles et tradition-
         nelles ont une emprise considérable sur les populations rurales du tiers-
         monde. Cela nous rappelle la maxime énoncée par Confucius au sixième
         siècle avant Jésus-Christ et qui prévaut toujours: « Je suis un transmetteur,
         pas un inventeur ». Pour le tiers-monde, les esprits, la magie, les mascarades
         et les rituels, aussi imparfaits soient-ils, constituent toujours un savoir et
         assurent la sécurité collective et la protection contre les forces du mal. Pour
          la communauté rurale, les forces inconnues ne peuvent être contrôlées ou
          maîtrisées que si elles peuvent être identifiées.
                 Une façon de comprendre facilement ce qu'est la culture du tiers
         monde est de la distinguer de ce qu'elle prétend ne pas être. Nous deman-
         dons à ce stade une analyse approfondie et comparative des formes d'art
         « orales » ou « folkloriques » et des formes d'art « littéraires » ou « impri-
         mées » afin d'attirer l'attention sur la discussion qui précède sur la théorie
         critique. Je me propose ici d'examiner les forces culturelles centrifuges et
         centripètes qui pourraient déterminer non seulement le film, mais aussi les
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