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             nication est un phénomène lent et où le temps n'est pas précipité mais a son
             propre rythme. La culture occidentale, en revanche, est fondée sur la valeur
             du « temps » le temps est l'art, le temps est l'argent, le temps est presque
             tout le reste. Si le temps traîne dans un film, les spectateurs s'ennuient et
             s'impatientent, de sorte qu'il faut trouver une méthode pour tromper le temps
             naturel. Au cinéma, cela passe par le montage. Tout cela repose sur l'idée
             que les éléments purement « non dramatiques » d'un film sont considérés
             comme des « excès cinématographiques », c'est-à-dire qu'ils ne servent
             aucun objectif unificateur. Ce qui est identifié comme un « excès » dans
             l'expérience cinématographique occidentale est, par conséquent, précisé-
             ment là où nous situons le cinéma du tiers monde. Permettez-moi mainte-
             nant d'identifier ces éléments essentiels de la pratique cinématographique
             qui sont considérés comme des excès cinématographiques dans le cinéma
             occidental mais qui, dans le contexte du tiers-monde, ne semblent que trop
             naturels.

             La longue prise:
             Il n'est pas rare de voir dans les films du tiers-monde une concentration de
             longues prises et de répétitions d'images et de scènes. Dans les films du
             tiers-monde, le rythme lent et tranquille se rapproche de la perception du
             temps et du rythme de vie du spectateur. En outre, la prépondérance des
             plans grand angle de longue durée traite du sens de la communauté du spec-
             tateur et de la façon dont les gens s'intègrent dans la nature. En revanche,
             lorsque michelangelo antonioni et Jean-luc Godard utilisent ce type de
             plans, c'est pour traduire une séparation existentielle et un isolement de la
             nature et de soi.

             Coupure transversale:
                     Les coupes transversales entre les antagonistes montrent la simul-
             tanéité plutôt que la construction d'un suspense. Le pouvoir des images ne
             réside pas dans l'attente que nous développons à propos des simples juxta-
             positions ou de la collision elle-même, mais plutôt dans la transmission des
             raisons de la collision imminente. Ainsi, là où le cinéma conventionnel l'a
             trop souvent réduit à la collision d'antagonistes, sur une échelle de person-
             nages positifs et négatifs, les films du tiers-monde qui font la même chose
             en font plus explicitement une collision idéologique.

             Le plan rapproché:
                     Un dispositif si utilisé dans l'étude de la psychologie individuelle
             dans la pratique cinématographique occidentale est moins utilisé dans les
             films du tiers monde. Les films du tiers-monde ont davantage un but infor-
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