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             tel travail. En fait, comme l'a fait valoir Mikhail Bakhtin, le point de vue
             d'un étranger sur une culture peut être profondément enrichissant pour les
             deux parties:
                La compréhension créative ne renonce pas à elle-même, à son propre lieu et à
                son propre temps, à sa propre culture; et elle n'oublie rien. Pour comprendre, il
                est extrêmement important pour la personne qui comprend de se situer en dehors
                de l'objet de sa compréhension créative, dans le temps, dans l'espace, dans la
                culture. Nous posons de nouvelles questions à une culture étrangère, des ques-
                tions qu'elle ne s'est pas posées elle-même; nous y cherchons des réponses à
                nos propres questions; et la culture étrangère nous répond en nous révélant ses
                nouveaux aspects et ses nouvelles profondeurs sémantiques. Sans ses propres
                questions, on ne peut comprendre de manière créative quoi que ce soit d'autre
                ou d'étranger  .
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                     Les tentatives de compréhension des « autres » doivent s'accom-
             pagner d'une reconnaissance de notre propre spécificité culturelle.
                     Chacun des trois films abordés dans cet article présente une vision
             cinématographique et idéologique différente de l'Afrique. Dès lors, quelles
             conclusions pouvons-nous tirer sur la catégorie du « cinéma africain »? Le
             cinéaste et critique James Potts a noté la tendance, en Afrique et en occi-
             dent, à faire des généralisations sur la nature du « cinéma noir » ou « afri-
             cain ». Non seulement ces arguments négligent la grande diversité culturelle
             du continent africain, mais ils supposent également qu'il est possible de
             créer des « langages » cinématographiques radicalement différents.

                     Ayant travaillé comme conseiller technique sur des projets de films
             en Éthiopie et au Kenya pendant cinq ans, Potts a pu faire l'expérience di-
             recte des problèmes de la réalisation de films en Afrique. Cela l'amène à
             affirmer que les limites techniques dans lesquelles les cinéastes africains
             sont contraints de travailler peuvent imposer une esthétique à un film bien
             plus facilement que les origines ethniques du réalisateur. Pour l'essentiel,
             Potts estime que nous ne disposons pas encore de la base théorique néces-
             saire pour parler de styles cinématographiques nationaux ou ethniques. Il
             propose plutôt une approche qui tente de négocier la relation entre les as-
             pects « universels » et « locaux » du cinéma:

                Je préfère encore penser que le cinéma est une forme de langage universel, pas
                tant un « espéranto visuel » qu'une langue visuelle en développement avec une
                riche variété de dialectes et d'idiolectes qui contiennent à la fois des éléments
                étrangers et indigènes. Ces éléments doivent être étudiés de plus près et rendus
                plus explicites si l'on veut qu'une véritable communication interculturelle ait
                lieu  .
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