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Tomaselli, Shepperson, & Eke / La théorie de l’oralité 437
comme théorie de la connaissance ». Comme Toulmin l'indique, cepen-
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dant, l'établissement de cette culture en Occident a ses origines dans un
contexte historique clairement articulé de conflit spécifique entre les ma-
nières de faire les choses dans le monde. Au fil du temps, on assiste à une
dévalorisation de ce que Toulmin appelle « l'oral, le particulier, le local et
l'actuel » au profit de grandes théories fondées sur « l'écrit, l'universel, le
général et l'intemporel ». Les produits propres au monde du second (par
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exemple, le cinéma) sont introduits dans un monde (ou des mondes) où sub-
sistent plus ou moins les formes de vie associées au premier.
Des bouleversements massifs des conditions dans lesquelles les
peuples africains vivent leur vie quotidienne moyenne se sont produits. En
raison de l'imposition d'ordres industriels de la société (orientés vers le mar-
ché et l'État), l'effet est resté, dans une plus ou moins grande mesure, des
perturbations plutôt que des révolutions. En d'autres termes, les africains
qui ne font pas partie des élites associées au développement postcolonial
(ou, pour beaucoup, néocolonial) continuent de vivre leur vie de manière
orale, opportune, particulière et très locale, et ils vivent l'exposition de films
à peu près de la même manière. Le but de cet article n'est pas de juger si
ces manières sont authentiques ou avilies ou quoi que ce soit d'autre, mais
plutôt d'accentuer les difficultés inhérentes à l'interprétation de l'expérience
de peuples pour lesquels la séparation entre savoir et faire est étrangère à
leur forme de vie. Dans le contexte spécifique du film africain et de ses pro-
ducteurs, il y a le fardeau supplémentaire de transférer le sens de cette forme
(ces formes) de vie dans un médium développé au sein et adapté aux varia-
tions d'une seule forme de vie dans laquelle le savoir (épistémologie) est for-
mellement séparé d'un domaine d'activité réellement existant (l'ontologie).
La critique ici est celle d'une tradition dans laquelle la vérité est
inhérente au présent-heideggérien, en strict contraste avec l'engagement
quotidien et la conscience du prêt-à-porter de la renaissance, des paysans,
des esclaves et de la classe ouvrière. Si l'on suit l'analyse de Charles Taylor
sur les antécédents de Hegel , il ne fait aucun doute qu'il y a là une certaine
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influence romantique, bien qu'il n'y ait pas de nostalgie nécessaire d'un âge
d'or prélapsarien, si répandue dans les influences de la pensée continentale.
Plus précisément, il existe en occident une tradition qui affirme essentiel-
lement que « l'histoire est une foutaise » (comme Henry Ford), et qu'il
n'existe ou ne devrait exister qu'une seule et unique connaissance véritable,
indépendamment de ce qui peut ou doit être fait dans le monde.
En revanche, nous suggérons qu'il est possible qu'une connaissance tout