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             aussi valable émerge d'un contexte dans lequel la continuité des affaires hu-
             maines n'exclut pas les conséquences de l'action humaine.
             En résumé
                     Pour refondre l'idéal de la philosophie de Marx, la construction de
             la pensée africaine à travers les interprétations du Troisième Cinéma peut
             être vue plutôt simplement et élégamment pour effacer la dichotomie occi-
             dentale du Sujet et de l'Objet. Elle restaure également une certaine mesure
             de l'idéal radical d'une conscience collective, spécifiquement dans la ma-
             nière dont le présent, en tant que ce qui peut être rencontré par tout le
             monde, est la conséquence de ce que tout le monde a fait (ou de ce que
             quelqu'un a omis de faire) parmi ceux qui sont venus avant. A l'inverse, une
             approche positiviste de la science, qui dérive d'ensembles de dualismes
             conduits par des impératifs industriels qui s'appellent eux-mêmes « disci-
             plines », ne peut pas se confronter de manière cohérente à des visions du
             monde qui ont résisté à la fragmentation et qui tentent de conserver une co-
             hérence cosmologique à travers l'oralité et le contact avec le monde des es-
             prits. Ces  séparations Esprit/Corps (idéal/matériel;  base/superstructures,
             etc.) sont encore accentuées par le passage de l'oralité à l'alphabétisation. Il
             en résulte une réduction drastique de la dépendance des jeunes alphabétisés
             vis-à-vis de leurs aînés oraux pour obtenir des informations. Ce processus
             d'enculturation dans le monde technologique industrialisé aboutit à la mise
             en avant d'un individualisme solipsiste au détriment du communautarisme,
             ce qui conduit à une perturbation des formes traditionnelles intergénéra-
             tionnelles de déférence et de respect. Les cultures et les communautés se
             fragmentent, la mémoire culturelle se perd dans l'inconscient culturel. Cet
             inconscient communautaire est récupéré et ramené à la surface par les réa-
             lisateurs grâce à des appels au passé, comme c'est le cas dans Sankofa.
                     Les critiques des films africains qui sont inadéquates à la tâche de
             réintégrer le sujet avec l'objet ne peuvent jamais relever le défi de Gerima
             pour un langage cinématographique africain ou des types de critiques ap-
             propriés. Cela est dû au fait que la critique occidentale a tendance à séparer
             le monde visible du comportement réel du royaume spirituel invisible. Il
             peut être difficile pour les occidentaux, en l'absence d'une bonne compré-
             hension des référents ontologiques des langues africaines, de déterminer si
             les africains non occidentalisés distinguent effectivement le matériel du spi-
             rituel. Ce n'est donc pas un hasard si une grande partie de la philosophie
             africaine primitive  a  été  enregistrée  avec beaucoup de  sensibilité  par
             quelques  missionnaires  et théologiens européens  sympathiques  tels  que
             Frans Placide Tempels.
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