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             soient capables de le faire comme nous le faisons quotidiennement. C'est
             une mission difficile pour elles, car les motivations qui nous poussent vers
             telle ou telle direction sont toujours changeantes. De plus, l'Eglise africaine,
             pour le meilleur ou pour le pire, manifeste un vif intérêt pour le cinéma.
             Nous savons que les voies du Seigneur sont impénétrables, mais comment
             expliquer que, tout à coup, ces personnes manifestent un intérêt aussi in-
             tense et passionné pour le cinéma ?
                     Les gouvernements essaient de contrôler la distribution. Pendant
             longtemps, au cours de sa première décennie, ils n'ont montré aucun intérêt
             pour le cinéma. C'était le bon vieux temps où nous avions carte blanche
             pour attaquer, dénigrer les politiciens, nous lancer dans n'importe quelle
             critique. Mais lorsqu'ils ont compris l'impact du cinéma, ils ont rapidement
             créé  de  nouveaux  ministères,  organisé  des  événements  pour  attirer  les
             foules, construit des salles de cinéma. Sans nous consulter, ils ont pris des
             décrets et élaboré des règlements, voire des lois, pour limiter notre liberté
             d'expression. Cela vous montre que le cinéma, même s'il n'est pas le plus
             important, doit être compté parmi les armes culturelles les plus puissantes
             d'aujourd'hui. Nous pourrions passer la soirée à parler de l'homme et du
             cinéma, du public et du cinéma. Sur tous ces points, j'ai mes propres ré-
             flexions. Mais je voudrais terminer sur une autre note et esquisser pour
             vous le rapport entre le cinéma et l'éveil de la conscience.
                     Permettez-moi de vous raconter une histoire vraie sur une expé-
             rience que j'ai vécue à Yaoundé, au Cameroun, où j'étais invité à participer
             à une conférence. J'étais bien logé, dans une chambre d'hôtel avec une cli-
             matisation qui fonctionnait bien. Aussi étrange que cela puisse paraître, on
             trouve souvent des lieux de vie plus accueillants en dehors de chez soi, c'est
             en tout cas vrai dans mon cas. (Rires). J'étais donc dans ma chambre d'hôtel
             lorsque le téléphone a sonné. J'ai décroché, et à l'autre bout de la ligne
             quelqu'un m'a dit : " Un commissaire de police vous demande, monsieur. "
             Eh bien, par habitude, j'ai pris mon passeport et j'ai envoyé de brèves notes
             à certains camarades qui se trouvaient dans les chambres voisines. Un com-
             missaire de police ? Oh là là ! Est-ce que je vais avoir de gros problèmes
             ? J'ai donc pris les précautions nécessaires, puisque les camarades qui
             étaient censés m'accueillir n'étaient pas encore là. Je suis descendu dans
             le hall. Le commissaire s'est avéré être un type sympathique, au caractère
             bien trempé. Il m'a demandé : "Vous buvez de la bière ?" Cela m'a pris au
             dépourvu, mais j'ai simplement répondu : "Non, mais un verre d'eau serait
             parfait". (Rires). Il n'a rien voulu entendre et a insisté pour que je com-
             mande une boisson correcte, si bien que je me suis retrouvée à caresser un
             verre de bière. Il a commencé à me regarder attentivement. Honnêtement,
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