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             nématographiques à partir du noyau de la culture africaine. Au lieu de tra-
             vailler sur des scénarios avec des auteurs, ils préfèrent esquisser un trai-
             tement en collaboration avec un Européen.
                     Ici, je m'abstiens délibérément de citer le nom d'un pays. Nous
             connaissons certains pays africains qui paient des Européens jusqu'à 25
             millions de francs CFA8 pour qu'ils habillent leur longue histoire d'un cos-
             tume cinématographique étriqué, et des films dont toute l'équipe est « filée »
             par une deuxième équipe, toutes européennes. Le cinéaste africain n'a plus
             qu'à signer de son nom, car il n'est qu'un mannequin. C'est notre malheur,
             à nous cinéastes. Nous le disons ici à voix haute, devant vous : nous ne sa-
             vons pas comment y remédier. En tout cas, personnellement, je ne sais pas
             comment redresser cette affaire tordue. Cette tendance dangereuse menace
             de se transformer en un énorme piège. La grave méconnaissance de la cul-
             ture africaine n'entrave pas seulement l'évolution du cinéma en Afrique,
             elle ne plane pas seulement sur les écrans de cinéma comme un nuage de
             malheur : tôt ou tard, elle causera notre perte en tant que cinéma pertinent
             et significatif.
                     Le cinéma implique beaucoup d'argent, mais faire un film implique
             également que vous ayez une histoire à raconter. Tout le monde n'est pas
             capable de rédiger une histoire. Si vous regardez les pays hors d'Afrique,
             comme la France et les États-Unis, un seul film mobilise quatre ou cinq
             personnes, rien que pour élaborer un scénario. Il y a ceux qui s'occupent
             des dialogues, ceux qui s'occupent de l'intrigue, et ainsi de suite. C'est pour-
             quoi nous avons contribué au lancement d'un réseau d'écoles où les gens
             peuvent recevoir une formation ou une formation préparatoire avant d'en-
             trer dans d'autres écoles de cinéma. Dans certaines écoles de cinéma, on
             ne vous forme que pour acquérir les ficelles de la technique cinématogra-
             phique, c'est comme lorsque vous fréquentez une auto-école, vous apprenez
             à conduire une voiture sans connaître les tenants et aboutissants de la mé-
             canique automobile. En ce qui concerne le cinéma sur celluloïd, on ne vous
             dira pas qu'une vitesse donnée correspond à un volume de mots ou à une
             vitesse de bobine donnés, pourquoi à un moment donné une vitesse donnée
             est toujours nécessaire.  Pourquoi une telle vitesse de bobine de film est-
             elle nécessaire ? C'est comme si on vous disait : quand vous atteignez les
             20 mph, passez à la vitesse supérieure, quand vous arrivez à 25 mph, chan-
             gez à nouveau de vitesse, et quand vous atteignez 30-35 mph, passez en
             mode croisière. (Rires). C'est vrai, c'est comme ça que c'est censé fonction-
             ner. Si vous connaissez votre code de sécurité routière, comme moi, vous
             pouvez prendre la route et conduire sans problème dans le trafic. Mais
             lorsque la voiture tombe en panne et que vous devez la réparer, c'est une
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