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Photo2. Ousmane Sembène et Samba Gadjigo. Capture d'écran de Black Camera.
Sembène sont restées marginalisées, au point que je ne le connaissais même
pas en tant que cinéaste. C'est à l'université de l'Illinois, à Champaign-Ur-
bana, dans les années 1980, que j'ai découvert l'ensemble de l'œuvre ciné-
matographique de Sembène. J'ai rencontré l'homme lui-même en 1989,
dix-sept ans après avoir lu Les bouts de bois de Dieu. Jeune professeur as-
sistant de littérature française et africaine au Mount Holyoke College, je
suis retourné au Sénégal pour transmettre à Ousmane Sembène une invi-
tation du consortium des cinq collèges à être artiste en résidence pendant
un mois.
Alors que mes livres de lycée étaient écrits par les « vainqueurs »
de l'histoire (soit l'ancien maître colonial, soit son substitut, l'élite néocolo-
niale), dans son roman, Sembène s'approprie l'un des principaux récits de
l'histoire coloniale africaine et le renverse, en donnant un rôle aux chemi-
nots noirs africains et en les transformant ainsi en « faiseurs d'histoire ».
Malgré notre rendez-vous manqué du 10 juin dernier, j'ai revu
Ousmane Sembène, mais seulement pendant quelques minutes. Je ne l'ai
pas vu à cette résidence de Galle Ceddo, ni à son bureau dans l'ancien
bâtiment des communications de l'avenue de la République, mais à la morgue
de l'hôpital Principal, lieu des funérailles officielles de Sembène. Il était 15
heures et, malgré la chaleur accablante de la saison des pluies, la salle était
absolument bondée, les rues adjacentes devenaient une extension de la
morgue. Des artistes et des officiels de tout le pays, du Mali et du Burkina
Faso se

