Page 552 - Livre2_NC
P. 552

Michael T. Martin, Samba Gadjigo & Jason Sylverman/ Solidarité médiatisée   543

         Sur la « solidarité médiatisée » : lire Ousmane
         Sembène dans Sembène !


                         1
          Michael T. Martin

          Cette conversation avec Samba Gadjigo et Jason Silverman, codirecteurs du
          long métrage documentaire Sembène !, a eu lieu lors de leur visite du campus
          et de la projection du film à l’Indiana University Cinema le 19 octobre 2015
          au Black Film Center/Archive, Indiana University Bloomington.

          Michael T. martin : C’est un plaisir de vous avoir ici, Samba Gadjigo et
          Jason Silverman, pour discuter de Sembène! Qui éclaire et humanise le lé-
          gendaire cinéaste et écrivain africain Ousmane Sembène et sa contribution
          au projet historique de redressement qu’est le cinéma africain. Commençons
          par une question : Qu’y a-t-il dans un nom ? Comme la référence à Sembène
          en tant que père du cinéma africain. En effet, mais y a-t-il un sous-texte à dis-
          cerner dans le terme lui-même, en dehors de ses réalisations cinématogra-
          phiques ?
          Mamba Gadjigo : En tant qu’Africain de l’Ouest, qui a été élevé par une grand-
          mère qui me parlait en langues africaines, je suis très intéressé par cette ques-
         tion : « Qu’est-ce qu’il y a dans un nom » ? Chez les Bambara, les Soninké et
         les Peuls Pulaar, il y a une chanson très célèbre de Fodéba Keïta  , artiste
                                                                    2
          guinéen et ancien ministre de la culture de Sékou Touré  , dans laquelle il
                                                            3
          utilise  ce  vieux  dicton  peul  :  «  On  peut  emprunter  une  chemise,  on  peut
          emprunter une paire de chaussures, mais on ne peut pas emprunter un nom,
         un nom s’achète ». En d’autres termes, ce sont vos actes qui vous confèrent
          votre nom et vous distinguent des autres.
                 Dans  la  culture  mandée,  un  nom  est  très  profond  et  il  n’est  pas
         « donné », il est « acheté ». Cela dit, le surnom affectueux de Sembène, « le
         père du cinéma africain », est à la fois un signe d’hommage et de respect. Il
         n’a pas été le premier africain à réaliser un film ; Paulin Soumanou Vieyra  4
         et le Groupe africain du cinéma l’ont précédé avec Afrique sur Seine (1955).
         Sembène a néanmoins inauguré une nouvelle ère d’activisme médiatique en
         Afrique, un nouveau cinéma qui reflète les africains tels qu’ils sont physique-
         ment et qui popularise le septième art comme quelque chose de plus que du di-
         vertissement. Il a plaidé pour un cinéma qui permette aux africains de voir leur
         passé, leur présent et d’imaginer une voie pour l’avenir.
   547   548   549   550   551   552   553   554   555   556   557