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Michael T. Martin, Samba Gadjigo & Jason Sylverman/ Solidarité médiatisée 543
Sur la « solidarité médiatisée » : lire Ousmane
Sembène dans Sembène !
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Michael T. Martin
Cette conversation avec Samba Gadjigo et Jason Silverman, codirecteurs du
long métrage documentaire Sembène !, a eu lieu lors de leur visite du campus
et de la projection du film à l’Indiana University Cinema le 19 octobre 2015
au Black Film Center/Archive, Indiana University Bloomington.
Michael T. martin : C’est un plaisir de vous avoir ici, Samba Gadjigo et
Jason Silverman, pour discuter de Sembène! Qui éclaire et humanise le lé-
gendaire cinéaste et écrivain africain Ousmane Sembène et sa contribution
au projet historique de redressement qu’est le cinéma africain. Commençons
par une question : Qu’y a-t-il dans un nom ? Comme la référence à Sembène
en tant que père du cinéma africain. En effet, mais y a-t-il un sous-texte à dis-
cerner dans le terme lui-même, en dehors de ses réalisations cinématogra-
phiques ?
Mamba Gadjigo : En tant qu’Africain de l’Ouest, qui a été élevé par une grand-
mère qui me parlait en langues africaines, je suis très intéressé par cette ques-
tion : « Qu’est-ce qu’il y a dans un nom » ? Chez les Bambara, les Soninké et
les Peuls Pulaar, il y a une chanson très célèbre de Fodéba Keïta , artiste
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guinéen et ancien ministre de la culture de Sékou Touré , dans laquelle il
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utilise ce vieux dicton peul : « On peut emprunter une chemise, on peut
emprunter une paire de chaussures, mais on ne peut pas emprunter un nom,
un nom s’achète ». En d’autres termes, ce sont vos actes qui vous confèrent
votre nom et vous distinguent des autres.
Dans la culture mandée, un nom est très profond et il n’est pas
« donné », il est « acheté ». Cela dit, le surnom affectueux de Sembène, « le
père du cinéma africain », est à la fois un signe d’hommage et de respect. Il
n’a pas été le premier africain à réaliser un film ; Paulin Soumanou Vieyra 4
et le Groupe africain du cinéma l’ont précédé avec Afrique sur Seine (1955).
Sembène a néanmoins inauguré une nouvelle ère d’activisme médiatique en
Afrique, un nouveau cinéma qui reflète les africains tels qu’ils sont physique-
ment et qui popularise le septième art comme quelque chose de plus que du di-
vertissement. Il a plaidé pour un cinéma qui permette aux africains de voir leur
passé, leur présent et d’imaginer une voie pour l’avenir.

