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Michael T. Martin, Samba Gadjigo & Jason Sylverman/ Solidarité médiatisée 545
Graphique 2. Citation d'Ousmane Sembène. Capture d'écran par l'auteur.
« Si les Africains ne racontent pas leurs propres histoires, l’Afrique disparaîtra
bientôt ». Pourquoi commencer par cet appel ?
Jason Silverman : Pour répondre à la question, je vais revenir à votre dernière
question. Dans les années 1950, il y avait un cinéma de divertissement, un ci-
néma hollywoodien, un cinéma fait pour la distraction. Il y avait aussi un ci-
néma d’expression créative, ce que nous appelons le cinéma européen.
Sembène les connaissait tous les deux, ainsi que le cinéma soviétique, qui était
un cinéma d’idéologie. Mais il a créé son propre cinéma qui n’avait pas de
précédent. Il s’agit d’un cinéma qui raconte une histoire à l’opposé du spectre,
en particulier dans Mandabi (1968), où il crée un cinéma de la rue, filmé avec
une caméra portative pour générer des images de la réalité de la classe ou-
vrière [africaine]. On a l’impression que ce cinéma représente quelque chose
qui n’a jamais été représenté auparavant. Pour Sembène, donner naissance
au cinéma africain ne consistait pas à faire le premier film sur le continent, ni
à faire le premier film sur l’Afrique. Il s’agissait de faire des films qui imaginent
une réalité africaine à partir d’une perspective africaine. Et je pense que cela
commence avec Borom Sarret [Le Charretier, 1963] et se poursuit avec Black
Girl [La Noire de… 1966] et Mandabi.
SG : Oui.
JS : En ce qui concerne votre déclaration d’ouverture, il est clair que le projet
colonial, que Samba pourra aborder mieux que moi, ne consistait pas seule-
ment à envahir des forces avec des bottes sur le sol et des armes. Il s’agissait

