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             Photo 1. Image animée tirée du documentaire Sembène ! (2015) représentant Ousmane Sembène avec
             une caméra de cinéma.
             Et c’est pourquoi Sembène méritait ce titre. Il était le premier innovateur et le
             plus ancien de tous. Pourtant, sur le plan créatif, il est resté le plus jeune de
             manière constante pendant un demi-siècle. C’est pour cette raison qu’il est ho-
             noré du titre de père du cinéma africain.

             Michael T. Martin (MTM): Le terme « père » a-t-il une signification parti-
             culièrement personnelle pour vous par rapport à Sembène ?
             samba Gadjigo (SG) : Oui. Dans le documentaire, je dis qu’au Sénégal, dans
             les années 1960, notre programme scolaire était rempli de classiques français.
             En fait, j’ai été éduqué pour être français. J’imitais les français et, comme l’a
             dit Fanon, une telle situation est symptomatique d’un complexe d’infériorité.
             J’ai perdu mon innocence politique, pour ainsi dire, lorsque j’ai lu Les bouts
             de bois de Dieu de Sembène (1960). Et puis, permettez-moi d’être personnel :
             quand j’avais deux ans, mon père est mort, et j’ai toujours eu l’impression que
             Sembène m’avait adopté comme un fils.
             MTM : Après cette première épreuve du feu! (rires)

             SG : Oui, après cette première épreuve du feu. Il disait souvent que pour hériter
             de son père, il ne faut pas attendre qu’il meure pour prendre ses biens ; il faut
             prendre ce qu’il a fait, reprendre là où il s’est arrêté et aller plus loin. En ce
             sens, je peux revendiquer Sembène comme un père.

             MTM : Sembène ! commence par un sermon obsédant de Sembène lui-même :
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