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Femi Okiremuete Shaka / La politique de conversion culturelle   73

          non autorisés de filmer sur le territoire. Une autre loi adoptée en 1945 in-
          terdit à quiconque « d'admettre dans les salles de cinéma, publiques ou pri-
                                                                          4
         vées, des personnes autres que celles des races européennes et asiatiques
         ». En outre, Pierre Piron, Directeur du Secrétariat Général du Congo Belge,
          aurait observé que :
                    L’étude de la réaction des spectateurs congolais, appuyée par
          des études similaires entreprises dans les territoires voisins, aboutit à un
          constat décevant. L’Africain n'est, en général, pas assez mûr pour le cinéma.
          Les conventions cinématographiques le perturbent, les nuances psycholo-
          giques lui échappent, la succession rapide des séquences le submerge  .
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                   Les historiens et les critiques du cinéma africain tels que Dia-
         wara  , Mgbejume  et Malkmus & Armes ont cité les points de vue ad-
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         ministratifs susmentionnés des commanditaires et des praticiens du cinéma
         éducatif africain colonial et ont conclu, souvent sans avoir vu les films,
         qu'ils n'étaient pas différents de ceux du cinéma africain colonialiste. Mais,
         en fait, le cinéma éducatif africain colonial était essentiellement un cinéma
         né du désir d'utiliser le média comme un véhicule pour l'instruction, la mo-
         bilisation sociale et les efforts de développement communautaire. À cet
         égard, la manière dont la subjectivité et la culture africaines sont construites
         dans les films de la Bantu Educational Cinema Experiment et dans des pro-
         jets similaires inspirés par cet effort pionnier, comme ceux de la Colonial
         Film Unit (CFU) du gouvernement colonial britannique, du Film and Photo
         Bureau et du Centre for Catholic Action Cinema (CCAC) du Congo Belge,
         est différente de celle du cinéma africain colonialiste. Dans le cinéma ins-
         tructif africain colonial, les africains sont construits comme des personnes
         connaissantes et instruites, capables et désireuses d'apprendre des méthodes
         modernes d'organisation sociale et de développement pour le bénéfice de
         leurs communautés. Les africains constituent le centre d'attraction de ces
         tournages, et ils sont généralement engagés dans l'exécution d'un projet ou
         d'un autre dans le processus de transformation sociale. Cela contraste avec
         le  cinéma  africain colonialiste,  dans  lequel les africains  sont construits
         comme un peuple sauvage et bestial toujours sur le point de glisser vers la
         barbarie à la moindre absence de l'autorité coloniale.


                   La recherche sur le cinéma africain est également quelque peu
         déséquilibrée en faveur de l'histoire de l'industrie cinématographique au dé-
         triment de l'analyse textuelle. Lorsque des analyses textuelles sont tentées,
         la spécificité du médium est souvent négligée. Le résultat est que l'accent
         mis sur la narration, avec peu d'attention accordée aux codes cinématogra-
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