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             phiques de la narration, fait que de telles études semblent indiscernables de
             la critique littéraire. Par exemple, tout en accordant une attention particu-
             lière à la caractérisation, à l'intrigue, aux questions sociohistoriques et cul-
             turelles, elles négligent souvent les codes de narration rendus manifestes
             par le point de vue des personnages, les flashbacks, les réflexions, etc., et
             la signification de ces codes pour l'autorité narrative ou les concepts de sub-
             jectivité, de race, d'ethnicité et de genre.

                       Les études historiques réalisées jusqu'à présent sur l'industrie ci-
             nématographique en Afrique comprennent celles d'Opubor et Nwuneli,
             Martin, Gabriel, Boughedir, Bachy, Ekwuazi, Balogun, Mgbejume et
             Diawara. Si ces études historiques ont permis d'éclairer les problèmes de
             l'industrie cinématographique en Afrique, elles n'en ont pas moins négligé
             la nature très spécialisée de cette industrie, à savoir qu'en plus d'être une
             industrie artistique, le cinéma est aussi le produit d'une économie industria-
             lisée, et que ses infrastructures organisationnelles et son personnel sont aussi
             spécialisés que tout autre secteur d'une économie industrialisée.

                       Bien que ces études historiques mettent l'accent sur la façon dont
             les modèles de parrainage étatique colonial et postcolonial et les influences
             monopolistiques et hégémoniques des conglomérats de distribution de films
             européens et américains ont affecté le développement de l'industrie ciné-
             matographique en Afrique, en négligeant la nature à la fois industrielle et
             artistiquement spécialisée du cinéma, elles donnent l'impression que la créa-
             tion d'une industrie cinématographique est comme la création d'une usine
             pour produire des briques ou des articles de toilette. Si c'était aussi simple,
             alors le Nigeria, le Ghana et le Burkina Faso, trois pays d'Afrique de l'Ouest
             dotés de laboratoires cinématographiques, seraient déjà autosuffisants en
             matière de production cinématographique. Le fait est que, pour construire
             une industrie cinématographique viable, en plus des laboratoires cinéma-
             tographiques, un pays a besoin de sociétés de production et de studios de
             cinéma, de sociétés de distribution et de salles d'exposition; d'une main-
             d'œuvre qualifiée comprenant des producteurs, des réalisateurs, des scéna-
             ristes, des acteurs et des actrices, des directeurs de la photographie, des
             ingénieurs du son et des enregistreurs de production, des concepteurs et des
             techniciens d'éclairage, des monteurs, des concepteurs de production et des
             costumiers, des cascadeurs, etc.
             L'industrie doit être suffisamment rentable pour attirer le patronage indé-
             fectible des sous-secteurs financiers et publicitaires de l'économie nationale.
             Une telle viabilité nécessite à son tour le parrainage d'un public de cinéma
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