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Femi Okiremuete Shaka / La politique de conversion culturelle   79

         films cités de Korda et Baroncelli, et le cinéma africain colonial d'instruc-
         tion, auquel appartiennent des films tels que Men of Africa d'Alexander
         Shaw (1939, Royaume-Uni) et Daybreak in Udi de Terry Bishop (1948,
         Royaume-Uni).
                   Les thèmes de l'auto-assistance communautaire et des méthodes
         modernes d'adaptation sociale exploités dans Men in Africa et Daybreak in
         Udi, pour ne citer que deux exemples, ne les placent pas dans la même ca-
         tégorie que les films africains colonialistes. Ces deux films sont des docu-
          mentaires sociaux dans la tradition de Grierson, et l'accent mis sur les
          stéréotypes que l'on rencontre dans le cinéma africain colonialiste n'est pas
         le cas dans ces films. Par exemple, bien que Daybreak in Udi soit un docu-
         mentaire social dramatisé, les principaux personnages africains (le seul per-
         sonnage européen étant Chadwick, le commissaire de district) ne sont pas
         les stéréotypes caricaturaux d'africains que l'on trouve dans le cinéma afri-
         cain colonialiste. La représentation dans ce film s'inscrit plutôt dans la tra-
         dition du documentaire social dans lequel on voit des villageois engagés
         dans des campagnes d'alphabétisation de masse et de développement com-
         munautaire autonome.
                   Contrairement aux conventions du cinéma africain colonialiste
         où les dirigeants traditionnels sont représentés comme des ennemis jurés et
         des méchants de l'administration coloniale, dans le cinéma éducatif africain
         colonial, et plus particulièrement dans Men of Africa et Daybreak in Udi,
         les dirigeants traditionnels sont représentés comme des partenaires et le
         peuple comme capable de progrès social. Le peuple lui-même est représenté
         comme un enthousiaste du progrès social lorsqu'il se rend compte que les
         méthodes modernes de développement social de l'homme blanc sont beau-
         coup plus efficaces que les méthodes traditionnelles. Dans Daybreak in Udi,
         par exemple, les hommes et les femmes, les garçons et les filles, les jeunes
         et les vieux, adhèrent aux campagnes d'alphabétisation de masse et au dé-
         veloppement de  l'auto-assistance  communautaire. Bien que  le film  soit
         construit autour des objections d'un membre du conseil des anciens au projet
         de maternité proposé, ces objections sont présentées comme découlant de
         la peur du changement social par Eze, un membre du conseil, et de tels gâ-
         cheurs individualistes ne manquent pas dans les communautés africaines
         contemporaines. Comme le montre le film, la volonté collective du peuple
         neutralise souvent les croisades individuelles de ces personnes.
                   J'ai fait ce détour méthodologique afin d'arriver au sujet princi-
         pal, le cinéma africain colonialiste, en partie parce que son étude soulève
         plusieurs questions, toutes en rapport avec la  définition adéquate  de ce
         qu'est un film africain. D'une part, parce qu'en tant que mode de discours,
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