Page 85 - Livre2_NC
P. 85
76 FESPACO/BLACK CAMERA/INSTITUT IMAGINE 12:2
disposé à acheter des billets. Enfin, un tel pays doit posséder la puissance
géopolitique et économique nécessaire pour assurer la compétivité interna-
tionale de son industrie cinématographique nationale .
9
Ainsi, au lieu d'évaluer les problèmes de l'industrie cinémato-
graphique en Afrique en termes de sous-développement général du conti-
nent, les historiens et les critiques de l'industrie cinématographique trouvent
un bouc émissaire tout désigné dans les anciennes autorités coloniales qui,
selon ce que l'on nous fait comprendre, ont conspiré pour que l'industrie
reste sous-développée . Analyser l'industrie cinématographique de cette
10
manière, ce n’est pas la voir globalement, à la fois en termes géopolitiques
et économiques, comme une industrie compétitive internationale dominée
par la pratique cinématographique hollywoodienne, les cinémas européens
et autres cinémas nationaux adoptant des politiques créatives pour la survie
de leurs cinémas nationaux . Higson met particulièrement en avant les im-
11
pératifs politiques et économiques en jeu dans la construction des identités
nationales à travers les cinémas nationaux lorsqu'il affirme que :
Identifier un cinéma national, c'est d'abord spécifier une cohérence et une unité
; c'est proclamer une identité unique et un ensemble stable de significations.
Le processus d'identification est donc invariablement un processus hégémo-
nique et mythologisant, qui implique à la fois la production et l'attribution d'un
ensemble particulier de significations, et des tentatives pour contenir, ou em-
pêcher, la prolifération potentielle d'autres significations. En même temps, le
concept de cinéma national a presque toujours été mobilisé comme une straté-
gie de résistance culturelle (et économique), un moyen d'affirmer l'autonomie
nationale face à la domination internationale (généralement) d'Hollywood .
12
De la théorisation par Higson du concept de cinémas nationaux
et de la construction de l'identité, il ressort que le concept est beaucoup plus
complexe que la plupart des historiens et des critiques du cinéma africain
ne l'ont conçu. Stephen Crofts, dans sa réévaluation de la notion de cinéma
national depuis la publication de l'essai de Higson, a répertorié sept caté-
gories qui fonctionnent en fonction d'un agenda établi par Hollywood :
les régimes politiques, économiques et culturels des différents États-nations au-
torisent sept variétés de « cinémas nationaux », classés par ordre décroissant
de familiarité :
1) les cinémas qui diffèrent d'Hollywood, mais ne lui font pas directement
concurrence, en ciblant un secteur de marché distinct et spécialisé;
2) ceux qui diffèrent d'Hollywood, ne lui font pas directement concurrence,
mais le critiquent directement;
3) les cinémas de divertissement européens et du tiers-monde qui luttent avec
un succès limité ou pas;