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Femi Okiremuete Shaka / La politique de conversion culturelle 87
des relations historiques complexes . Elle affirme également que :
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le désir mélodramatique traverse les frontières morales, produisant des mé-
chants qui, même si le drame prend le parti du bien, articulent des principes op-
posés, avec une puissance égale, voire supérieure.
Ce faisant, il accède à la face cachée des justifications officielles des ordres
moraux en vigueur, ce que les conventions sociales, la répression psychique et
les dogmes politiques ne peuvent exprimer. Ainsi que le mélodrame emprunte
ses catégories à la morale victorienne ou à la psychologie moderne, sa mise en
scène de la lutte permanente des forces du bien et du mal qui traversent la vie
sociale, politique et psychique attire sur la place publique les désirs, les peurs,
les valeurs et les identités qui se cachent sous la surface du monde reconnu pu-
bliquement .
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Gledhill affirme en outre, qu'au cinéma, la forme est passée de
sa préoccupation pour le « réalisme » associé à la sphère masculine des ac-
tions et de la violence, au film de femme, avec son accent sur la parole plu-
tôt que sur l'action. En ce qui concerne le cinéma africain colonialiste, le
mélodrame prend la forme d'une opposition, par le biais de schémas com-
paratifs, des subjectivités, de la culture et des valeurs morales, des systèmes
de croyance et autres pratiques institutionnelles européennes et africaines.
Le genre ne donne pas de pouvoir aux africains. Au contraire, il les repré-
sente, comme les indiens d'Amérique dans le Western, comme des per-
sonnes dégénérées et barbares. La méchanceté est identifiée aux africains,
tout comme la vertu et la droiture morale sont identifiées aux européens.
Les seules exceptions sont le « bon » Africain qui collabore avec l'autorité
coloniale européenne ou l'Européen de la classe ouvrière dégénérée qui fra-
ternise avec les africains. Les contre-discours africains émergent dans ces
films principalement à travers les représentations de confrontations vio-
lentes entre européens et africains. Bien que ces confrontations violentes
soient représentées comme des attaques sauvages malavisées et injustifiées,
puisque la plupart des films n'expliquent pas la raison de ces attaques, ce
silence peut être interprété comme un aveu de l'objection des africains à
l'autorité coloniale européenne.
De ces définitions, on peut déduire que le mélodrame est une
forme générique complexe comportant divers sous-genres et catégories. Ce-
pendant, au sein de cette vaste catégorie, les films africains colonialistes
constituent un genre à part entière, puisqu'ils emploient des tropes de repré-
sentation colonialistes reconnaissables dans leur structure narrative, leur ca-
ractérisation, leurs articulations spatio-temporelles, etc. Ce qui rend ces films
colonialistes, c'est le fait qu'ils sont contraints par la pensée colonialiste.
Thomas sobchack s'est attardé sur les différentes manières dont