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Femi Okiremuete Shaka / La politique de conversion culturelle   85

                   L'association des africains à la sauvagerie et à la bestialité com-
         mence avec des documentaires comme Tuaregs in Their Country (1909),
         Big Game Hunting in Africa (1909), Missionaries in Darkest Africa (1912),
         The Military Drill of the Kikuyu Tribes and Other Ceremonies (1914), et
         des courts métrages comme How a British Bull-dog Saved the Union Jack
         (1906), qui traite de la guerre anglo-zouloue de 1906-1907, et The Zulu's
         Heart (1908, États-Unis) de D. W. Griffith, dans lequel un Zoulou se re-
         tourne contre ses semblables pour aider les blancs, etc. Cependant, la plu-
         part des historiens du cinéma citent aujourd'hui The Birth of a Nation (1915,
         États-Unis) de Griffith comme le film qui a codifié les images stéréotypées
         des noirs, en général, dans le médium cinématographique  . Bien que le
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          film explore et exploite les peurs et les angoisses des blancs concernant la
          présence des noirs en Amérique, et qu'à cet égard, on puisse considérer qu'il
         traite spécifiquement d'une expérience afro-américaine dans la représenta-
         tion filmique colonialiste, dans la séquence d'ouverture, le film fait remonter
         le problème de la présence des noirs à l'Afrique et à la traite des esclaves.
         Par cette association, les métaphores de la sauvagerie et de la bestialité afri-
          caines sont transposées  aux afro-américains  et vice  versa. En  ce qui
          concerne l'Afrique elle-même, les œuvres d'Edgar Rice Burroughs et la
          série de films Tarzan qui en est tirée ont contribué à canoniser ces méta-
          phores de sauvagerie et de bestialité africaines. Brian Street tire des conclu-
          sions similaires en ce qui concerne son analyse des romans de l'empire
          lorsqu'il affirme que :
            Edgar Rice Burroughs, l'inventeur de Tarzan, par exemple, contribue à fixer
            l'idée, pour les générations futures de jeunes lecteurs, que l'on peut encore trou-
            ver des gens comme leurs ancêtres dans certaines jungles oubliées, dansant des
            rituels simiesques d'une manière que la société européenne a abandonnée. Sa
            prose fleurie de la jungle transforme la théorie scientifique de son époque en
            images vivantes et mémorables  .
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                   Non seulement les films colonialistes dénient aux africains leurs
         identités individuelles et leurs valeurs sociales, comme dans presque tous
         les autres aspects de la relation inégale afro-européenne, mais les africains
         sont rendus victimes des projections et des fantasmes psychiques européens.
         Les africains sont représentés au cinéma comme des pervers sexuels, des
         cannibales, des sadiques, des despotes, des fainéants, des indolents, des dé-
         gonflés, des timides, des superstitieux et des barbares. Presque toutes les
         pratiques sociales que les producteurs et réalisateurs européens et holly-
         woodiens  considèrent comme  inciviles sont projetées  sur  les africains.
         Quand ils ne sont pas dépeints comme des enfants inoffensifs, ils sont dé-
         peints à l'autre extrême comme des despotes sans cœur et des meurtriers
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