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couple y était engagé à l’année, l’homme employé à l’entretien de l’extérieur et son épouse, à
celui de l’intérieur.
Lorsque les parents de Fabien apprirent qui était vraiment la nouvelle conquête de leur fils, ils
ne ménagèrent pas les moyens de pression pour venir à bout de ce qu’ils pressentaient comme
un désastre, un déshonneur bien pire encore que le précédent mariage qu’ils n’avaient déjà pas
cautionné. Ils étaient furieux de cette relation qu’ils trouvaient abominable, pas digne d’eux,
de leur fils chéri et de leur famille, notamment de leur fille pour qui apparemment tout avait
merveilleusement réussi. La sœur de Fabien était en effet mère de deux enfants, mariée à un
homme de bonne souche, très à l’aise financièrement, directeur de sociétés, bref sa famille
était apparemment heureuse et sans histoire.
Pour punir leur fils décidément pas conforme aux us et coutumes familiaux et surtout pour
faire battre en retraite cette idylle jugée inconvenante, ils commencèrent par supprimer toute
l’aide économique plutôt généreuse que jusque-là ils accordaient à leur fils, tout en fermant
les yeux sur ses dévergondages.
Vu le climat pénible qui régnait à cause de moi entre Fabien et ses parents, je lui exprimai à
plusieurs reprises mon intention de rompre. Il me semblait que cette relation promettait trop
de tracas alors que je recherchais la paix une bonne fois pour toutes, ni plus ni moins. Contre
toute raison, à chacune de mes tentatives de séparation, Fabien revenait à la charge, me
suppliant parfois pitoyablement de poursuivre notre romance, grâce à laquelle il ressentait
certainement, peut-être inconsciemment, qu’il pourrait prendre ses distances avec sa famille
dont les obligations, les règles, les convenances lui pesaient. Avec moi enfin, il pouvait
couper le cordon ombilical qui l’empêchait de vivre son indépendance ; elle lui avait trop
longtemps, jusque-là, fait défaut. Chaque fois qu’il était séparé de moi, il m’écrivait des mots
d’amour, m’appelait régulièrement, défendant sa cause avec obstination. L’attachement qu’il
semblait me vouer envers et contre tout me touchait infiniment, d’autant que je commençais à
en être indubitablement amoureuse. Alors apitoyée, je succombais malgré moi à ses appels.
Pour lui, pour moi, pour vivre tout simplement, je retournais régulièrement à Genève. Rien ne
fut jamais verbalisé. Pourtant Fabien me voyait partir sans le sou et revenir la bourse pleine :
il devait bien se douter de l’origine de mon pécule ; habitué à la culture du non-dit et des
faux-fuyants, il ne se hasarda jamais à me poser de questions ni ne fit de commentaire sur mes
allers et retours fructueux. Face à cette situation trouble, entichée, j’étais prête à tout pour
détacher Fabien d’un complexe familial dans lequel notre couple ne trouverait pas de place.
J’étais décidée à aller de l’avant avec lui, coûte que coûte. Je me mis, avec la bénédiction de
mon récent amour, à la recherche de ce qui devait représenter un nouveau point de départ pour
lui et moi. Il fallait à tout prix s’affranchir du giron familial. Si celui avec lequel j’avais
décidé de construire ma vie acceptait cette démarche décisive, ce serait la preuve qu’il tenait à
moi ! Animée de l’élan qu’inspirent les projets qui viennent du cœur, je partis en
reconnaissance. Excellent kinésithérapeute ostéopathe, Fabien devait pouvoir exercer sa
profession n’importe où dans le monde. Je mis donc le cap sur la Haute-Savoie, département
qu’il affectionnait tout autant que moi. Cette région de France possède un patrimoine
environnemental, culturel et touristique, important et magnifique. Je me mis à sillonner en
voiture toute la région, de long en large. Un jour la baraka devait être de la partie car
l’aubaine se présenta à St-Gy, petite bourgade à mi-chemin entre Annemasse et Cluses.
Arrivée dans ce joli petit village, je fis coup double, découvrant une ancienne maternité
fermée depuis peu et une maison de caractère campagnard inhabitable dans l’immédiat mais
de bonnes dimensions, située presque au centre de la bourgade, juste en face d’un hôtel-
restaurant de bonne renommée. La jolie bâtisse une fois rénovée serait l’endroit idéal pour y
vivre mon amour hors de toute portée familiale encombrante. Restait à réunir les cent
cinquante mille francs de l’époque qui me manquaient pour cette acquisition si importante
pour moi. La chance devait décidément être de la partie puisque là aussi, le destin se montra
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