Page 107 - ROLAND-GLORIA-DIANE-ET-MOI_Neat
P. 107
De mon côté, je fondais de grands espoirs sur le rôle qui pouvait m’être attribué auprès de
l’homme que j’aimais. Je ne ménageais pas ma peine et suivis même un cours d’esthéticienne
par correspondance, rêvant de m’installer avec Fabien. Mais malgré tous les efforts fournis
pour aider mon compagnon dans sa tâche, moi qui faisais office de secrétaire, je sentais que
ma présence journalière, comme mes interventions, commençaient à agacer sérieusement le
maître des lieux. C’est qu’il entendait avoir les coudées franches et occuper seul son domaine
professionnel. Je suscitai donc à ce sujet une mise au point qui déboucha sur mon départ
définitif du cabinet et sur l’abandon de mes cours d’esthéticienne. Je pus tout de même
m’installer dans notre maison encore en travaux, sur le point d’être terminée.
Désormais femme au foyer, je cuisinais les repas, peaufinais la décoration ; dans un coin de la
demeure, j’avais repris et installé mon chevalet de peintre délaissé à la faveur des turbulences
de notre installation rondement menée. Cette maison de village à l’aspect rustique devenait de
plus en plus confortable. Elle avait nécessité des travaux de rénovation de grande ampleur,
auxquels j’avais largement participé, passant des heures à décaper les poutres, à tapisser les
murs, à poser la moquette dans les pièces du haut.
A la fin des travaux, une énorme cheminée, installée au centre de l'unique pièce du rez-de-
chaussée qui ne comportait aucun autre mur de séparation que le foyer en lui-même,
constituait le cœur de l'espace de vie, entouré de la cuisine et de son bar, du salon et de la salle
à manger. Depuis la grande pièce principale du rez-de-chaussée, on accédait par un
impressionnant escalier de bois en demi-cercle à une mezzanine surplombant la pièce du bas.
Depuis ce lieu qui faisait office de bureau, de salle de jeux et de bibliothèque, on accédait à
notre chambre à coucher, unique pièce, immense, du premier étage. Des chambres d’amis
avaient été prévues sous les combles entièrement restaurés ; par la suite, ces pièces resteraient
inachevées.
Après ces travaux d’installation menés tambour battant, un semblant de vie ordinaire se mit
peu à peu en place. Tôt le matin, je voyais Fabien partir pour ne réapparaître comme un éclair
qu’aux alentours de midi, le temps d’un repas sur le pouce avalé en quatrième vitesse. Le soir
vers vingt heures, pour autant qu’une visite à domicile ne l’ait pas retenu plus tard, il rentrait
fourbu, irascible et pas vraiment causant.
Chapitre 14
Le mariage
L’effervescence de l’installation dans notre maison comme celle de Fabien dans son cabinet
était derrière nous. J’examinais les tenants et aboutissants de ma vie : ne possédant rien à mon
nom ni même la nationalité française, il ne me restait, pour régulariser cette situation pour le
moins dangereuse, que le mariage. Je voyais sans doute dans ces noces, mille fois imaginées,
la consécration de mon statut féminin, une mise à l’abri des aléas que pouvait me réserver
encore cette vie qui jusque-là ne m’avait pas vraiment épargnée. J’envisageais même, avec le
plein accord de Fabien, d’adopter des enfants. Fonder une vraie famille, avec ses joies et ses
tourments, comme des millions de gens, telle était mon aspiration. Amoureuse mais pas
seulement, je songeais également aux avantages pratiques que pouvait apporter ce mariage,
pour l’un comme pour l’autre. Si le cabinet ne rencontrait pas le succès escompté, nous
pourrions alors compter sur la Suisse, mon pays, pour y trouver des débouchés. Ces
contingences pratiques mêlées d’aspirations romantiques se trouvaient donc pour moi en
harmonie parfaite.
107