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De mon côté, je fondais de grands espoirs sur le rôle qui pouvait m’être attribué auprès de
               l’homme que j’aimais. Je ne ménageais pas ma peine et suivis même un cours d’esthéticienne
               par correspondance, rêvant de m’installer avec Fabien. Mais malgré tous les efforts fournis
               pour aider mon compagnon dans sa tâche, moi qui faisais office de secrétaire, je sentais que
               ma présence journalière, comme mes interventions, commençaient à agacer sérieusement le
               maître des lieux. C’est qu’il entendait avoir les coudées franches et occuper seul son domaine
               professionnel.  Je  suscitai  donc  à  ce  sujet  une  mise  au  point  qui  déboucha  sur  mon  départ
               définitif  du  cabinet  et  sur  l’abandon  de  mes  cours  d’esthéticienne.  Je  pus  tout  de  même
               m’installer dans notre maison encore en travaux, sur le point d’être terminée.
               Désormais femme au foyer, je cuisinais les repas, peaufinais la décoration ; dans un coin de la
               demeure, j’avais repris et installé mon chevalet de peintre délaissé à la faveur des turbulences
               de notre installation rondement menée. Cette maison de village à l’aspect rustique devenait de
               plus en plus confortable. Elle avait nécessité des travaux de rénovation de grande ampleur,
               auxquels j’avais largement participé, passant des heures à décaper les poutres, à tapisser les
               murs, à poser la moquette dans les pièces du haut.
               A la fin des travaux, une énorme cheminée, installée au centre de l'unique pièce du rez-de-
               chaussée  qui  ne  comportait  aucun  autre  mur  de  séparation  que  le  foyer  en  lui-même,
               constituait le cœur de l'espace de vie, entouré de la cuisine et de son bar, du salon et de la salle
               à  manger.  Depuis  la  grande  pièce  principale  du  rez-de-chaussée,  on  accédait  par  un
               impressionnant escalier de bois en demi-cercle à une mezzanine surplombant la pièce du bas.
               Depuis ce lieu qui faisait office de bureau, de salle de jeux et de bibliothèque, on accédait à
               notre  chambre  à  coucher,  unique  pièce,  immense,  du  premier  étage.  Des  chambres  d’amis
               avaient été prévues sous les combles entièrement restaurés ; par la suite, ces pièces resteraient
               inachevées.
               Après ces travaux d’installation menés tambour battant, un semblant de vie ordinaire se mit
               peu à peu en place. Tôt le matin, je voyais Fabien partir pour ne réapparaître comme un éclair
               qu’aux alentours de midi, le temps d’un repas sur le pouce avalé en quatrième vitesse.  Le soir
               vers vingt heures, pour autant qu’une visite à domicile ne l’ait pas retenu plus tard, il rentrait
               fourbu, irascible et pas vraiment causant.


               Chapitre 14



               Le mariage

               L’effervescence de l’installation dans notre maison comme celle de Fabien dans son cabinet
               était derrière nous. J’examinais les tenants et aboutissants de ma vie : ne possédant rien à mon
               nom ni même la nationalité française, il ne me restait, pour régulariser cette situation pour le
               moins dangereuse, que le mariage. Je voyais sans doute dans ces noces, mille fois imaginées,
               la consécration de mon statut féminin, une mise à l’abri des aléas que pouvait me réserver
               encore cette vie qui jusque-là ne m’avait pas vraiment épargnée. J’envisageais même, avec le
               plein accord de Fabien, d’adopter des enfants. Fonder une vraie famille, avec ses joies et ses
               tourments,  comme  des  millions  de  gens,  telle  était  mon  aspiration.  Amoureuse  mais  pas
               seulement, je songeais également aux avantages pratiques que pouvait apporter ce mariage,
               pour  l’un  comme  pour  l’autre.  Si  le  cabinet  ne  rencontrait  pas  le  succès  escompté,  nous
               pourrions  alors  compter  sur  la  Suisse,  mon  pays,  pour  y  trouver  des  débouchés.  Ces
               contingences  pratiques  mêlées  d’aspirations  romantiques  se  trouvaient  donc  pour  moi  en
               harmonie parfaite.



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