Page 164 - Desastre Toxicomanie
P. 164

Le désastre des toxicomanies en France                                                                              Morphiniques et médicaments de substitution



                 par la pression de ces graines qu’est obtenue l’huile d’œillette
                 (utilisée en assaisonnement, en peinture ou pour faire des vernis...).
                   Quelques  données  chiffrées  éclaireront  la  production  de
                 l’opium et de sa morphine. Sur une surface d’environ un hectare,
                 en quelque 6.000 heures de travail, pour inciser puis (quelques
                 jours plus tard) pour gratter de l’ordre de 500.000 capsules de
                 pavot, vingt-cinq kilogrammes d’opium seront obtenus (chaque
                 capsule produisant une cinquantaine de milligrammes d’opium) ;
                 de ces 25 kilos d’opium seront extraits 2,5 kilos de morphine.
                   La médecine arabe fit usage de l’opium pour traiter la dysenterie
                 amibienne ; il fut largement utilisé comme antidiarrhéique dans
                 l’élixir  parégorique  (teinture d’opium benzoïque  ou teinture
                 d’opium camphrée). Il est l’ancêtre  des antidiarrhéiques
                 d’aujourd’hui, obtenus par synthèse : le diphénoxylate (dans le
                 Diarsed , retiré du marché il y a quelques années) ou le toujours
                        ®
                 fringant  lopéramide  (Imodium , Imossel ).  Au  XVI  siècle,
                                                                      ème
                                                          ®
                                               ®
                 Paracelse prescrivit l’opium comme analgésique, dans le laudanum
                 de Sydenham (teinture d’opium safranée, avec de la cannelle et de
                 l’essence de girofle...). Au XVIII  siècle, les fumeries d’opium
                                                 ème
                 se répandirent en Orient, puis cette toxicomanie à l’opium fumé
                 diffusa à travers le monde. En 1803, en Allemagne, un apothicaire,
                 Sertuner,  isola  l’alcaloïde  principal,  qu’il  appela  morphine,  par
                 référence à Morphée (le dieu des songes dans l’antiquité grecque).
                 Les opiacés  (substances issues chimiquement  plus ou moins
                 directement de la morphine) se multiplièrent puis apparurent les
                 substances opioïdes, i.e. des substances qui agissent en stimulant
                 les mêmes récepteurs que la morphine (récepteurs opioïdes du type
                 mu), mais qui ne sont plus chimiquement apparentées à celle-ci.
                   D’une façon simultanée (1971) mais indépendante, trois équipes
                 américaines (Avram Goldstein en Californie ; Éric Simon à New
                 York et Solomon Snyder à Baltimore) ont découvert l’existence de
                 récepteurs cérébraux sur lesquels agit la morphine. La morphine
                 n’étant pas fabriquée par le cerveau, s’imposa la logique qu’une
                 ou plusieurs substances  élaborées  par  le  cerveau  devaient  être
                 préposées, physiologiquement, à la stimulation de ces récepteurs.
                 Cette déduction ouvrit la chasse à la/aux substance(s) endogène(s),
                 dont la morphine reproduisait les effets. Elle aboutit bientôt (1974)


                                              164
   159   160   161   162   163   164   165   166   167   168   169