Page 110 - Traité de chimie thérapeutique 6 Médicaments antitumoraux
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66              MEDICAMENTSINDUISANTDESMODIFICATIONS COVALENTESDE L'ADN

               Des études ont été effectuées par administration de phosphate d'estramustine dou-
             blement marqué ("H sur la partie estradiol et '+c sur la fonction carbamate). Les pics
             plasmatiques sont observés 2 heures après la prise orale. Des maximums de radioacti-
             vité sont retrouvés au niveau du foie, puis de la prostate et des métastases de la tumeur
              prostatique.
               Environ 30 à 40 % de la dose administrée sont éliminés par les fèces, et 25 à 35 %
              dans les urines.
              5.5.  PREDNIMUSTINE
              La prednimustine est bien résorbée par voie orale ; cependant sa biodisponibilité est faible.
              Elle est vraisemblablement hydrolysée par des estérases en chlorambucil et en predniso-
              lone, chacun de ces fragments subissant ensuite ses propres biotransformations.
                La prednimustine est distribuée progressivement dans certains tissus : muscles, pros-
              tate, poumon, rate, vésicules séminales.
                L'élimination se partage entre les urines et les fèces.

              6.   PROPRIÉTÉS PHARMACOLOGIQUES
              Les propriétés pharmacologiques des moutardes à l'azote sont liées à leurs effets cyto-
              toxiques, dûs essentiellement à une inhibition de la réplication de l'ADN. Il a été démontré
              que ces substances, à faibles doses, inhibent la synthèse de l'ADN dans les cultures de
              cellules de mammifères plus rapidement et à une plus grande échelle qu'elles n'inhibent
              la synthèse de l'ARN ou des protéines. De plus, bien qu'elles provoquent des dommages
              à des tissus de faible indice mitotique, elles sont beaucoup plus cytotoxiques à l'égard
              des tissus à prolifération rapide. Cette particularité est à la base de leurs applications en
              cancérologie.
                Les moutardes à l'azote ne sont pas strictement spécifiques du cycle cellulaire.
              Cependant des différences d'action ont été détectées sur des cellules synchronisées à
              diverses phases du cycle. Ainsi les cellules semblent plus sensibles à la fin de la phase
              G, ou en phase S, plutôt qu'en G,, en mitose ou en début de G,.
                Comme la plupart des agents antitumoraux, les moutardes à l'azote possèdent des
               effets immunosuppresseurs sur les lignées lymphocytaires. Certains de ces composés,
               agissent sur des maladies inflammatoires chroniques, comme le psoriasis.

               7.   MÉCANISME D'ACTION
               Le mécanisme le plus largement reconnu pour l'action cytotoxique des moutardes azo-
               tées est illustré sur la figure 5. À l'état normal, les résidus de guanine dans l'ADN se
               trouvent préférentiellement sous la forme tautomère lactame et s'apparient aux résidus
               cytosine en formant des liaisons hydrogène.
                 Lorsque l'azote en 7 de la guanine (site privilégié) est alkylé par l'ion aziridinium, la
               charge positive délocalisée sur le cycle imidazole favorise la forme lactime sur le cycle
               pyrimidine (25). Cette guanine modifiée peut alors s'apparier frauduleusement avec des
               résidus de thymine au cours de la synthèse de l'ADN aboutissant à une falsification de
               ce dernier (26). De plus le noyau imidazole chargé se trouve fragilisé : il peut se produire
               une ouverture du cycle (27) ou encore un processus de dépurination (perte de résidu
               guanine 28).
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