Page 393 - Traité de chimie thérapeutique 6 Médicaments antitumoraux
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15. EPIPODOPHYLLOTOXINES                               349

               Après administration par voie IV, la concentration suit un modèle à 2 ou 3 comparti-
             ments selon les auteurs. Pour le modèle à 2 compartiments, les temps de demi-vie sont
             environ a= 1h et [= 1,5à15h. Ce dernier est plus élevé que celui de l'étoposide. La
             troisième phase pourrait être due à une élimination du téniposide redistribué à partir d'un
             compartiment profond.
               Le volume de distribution du téniposide est identique à celui de l'étoposide mais la
             liaison de la molécule avec l'albumine plasmatique est plus importante.
               La concentration dans le LCR est faible ; elle peut atteindre 27 % au niveau du cerveau
             après irradiation ou chirurgie. Dans l'ascite, elle est équivalente à la concentration plas-
             matique.
               Le temps de demi-vie est supérieur à celui de l'étoposide et les clairances plasmatique
             et rénale sont plus faibles. L'élimination se fait majoritairement par voie urinaire (45 %)
             dont 10 % sous forme inchangée. Elle est donc plus faible que celle de l'étoposide mais
             le téniposide est plus fortement métabolisé. Ces différences pourraient contribuer à
             expliquer la moins bonne tolérance au téniposide.

             6.   MÉCANISME D'ACTION
             Le mécanisme d'action de l'étoposide 5, de sa prodrogue le phosphate d'étoposide 7
             et du téniposide 6 diffère de celui de la podophyllotoxine 1 et de ses dérivés comme
             l'épipodophyllotoxine 3, la 4'-déméthylépipodophyllotoxine (DMEP) 9 et leurs glucosides
             non protégés en positions 4 et 6.
               En effet, la podophyllotoxine 1 est un poison du fuseau qui se lie à la tubuline et
             empêche sa polymérisation en microtubules ce qui arrête la division de la cellule en
             mitose alors que l'étoposide et le téniposide n'ont aucune action sur l'assemblage de la
             tubuline et agissent à l'état prémitotique en bloquent la cellule à la fin de la phase S et
             au début de la phase G,. Ces dérivés de l'épipodophyllotoxine sont des poisons de la
             topo-isomérase Il qui stabilisent le complexe clivable mais qui, contrairement aux autres
             poisons de la topo-isomérase Il (cf. chapitre 13), ne s'intercalent pas dans l'ADN. Ils
             provoquent des coupures de l'ADN, la mort cellulaire serait ensuite due au phénomène
             de sénescence et non d'apoptose. Le téniposide 6 est un inhibiteurde la topo-isomérase
             Il 5 à 10 fois plus puissant que l'étoposide 5. Ils n'ont aucune action sur l'enzyme seule
             ou sur l'ADN seul.
               Le mécanisme précis de la liaison au complexe clivable n'est pas encore élucidé.
             Plusieurs hypothèses ont été émises.
               Selon CHow et al. (1988), l'étoposide et le téniposide possèdent deux zones fonction-
             nelles importantes. La première est le groupement glycosyle qui est nécessaire pour
             l'interaction avec l'enzyme. Ceci est corroboré par le fait que les deux antitumoraux ont
             la même affinité pour l'enzyme mais que le téniposide est un inhibiteur de la topo-iso-
             mérase Il 10 fois plus puissant que l'étoposide. Cette différence est attribuée à la pré-
             sence du groupement thiényle qui interagirait avec l'enzyme par une liaison hydrophobe.
             La deuxième zone fonctionnelle nécessaire à la liaison avec l'enzyme serait le pharma-
             cophore pratiquement plan constitué par le polycycle A-B-C-D. Ce type de polycycle est
             présent dans d'autres inhibiteurs de la topo-isomérase Il comme la doxorubicine ou
             l'amsacrine. L'analogie avec le cycle de l'acide oxolonique, antibactérien inhibiteur de la
             gyrase qui est une topo-isomérase Il bactérienne, a également été soulignée.
               EiCH et al. (1991) ont proposé un mécanisme moléculaire qui ferait intervenir deux
             groupements fonctionnels (cf. figure 5). Le cycle lactone, très réactif en raison de sa
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