Page 624 - Traité de chimie thérapeutique 6 Médicaments antitumoraux
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584 MEDICAMENTS INDUISANTDES MODIFICATIONS COVALENTES DE L'ADN
Après administration IV, qui constitue la voie la plus classiquement utilisée, la cinéti-
que d'élimination plasmatique du méthotrexate est linéaire et triphasique (T4 d'environ
1h,3 h et 20 h). Il est faiblement lié aux protéines plasmatiques (45-50 %) et s'accumule
dans le foie, les reins, l'épithélium digestif, mais aussi dans le liquide d'ascite. Il existe
un cycle entérohépatique. Une certaine quantité pénètre dans les cellules selon un pro-
cessus actif (cf. 1.6.).
Le méthotrexate est hydroxylé au niveau hépatique en 7-hydroxyméthotrexate dont
la toxicité est importante (JOHNS, 1967). Ce métabolite circulant est décelable lors
d'administration de doses élevées ; il est également formé en grande quantité dans les
cellules et est susceptible d'interférer avec le métabolisme du méthotrexate. Un autre
métabolite est l'acide 4-amino-10-méthylptéroique 17.
L'élimination est essentiellement rénale (90 %) dont 50 % pendant les huit premières
heures, sous forme inchangée ou sous forme de 7-hydroxyméthotrexate; le
méthotrexate est filtré par le glomérule, réabsorbé au niveau du tube proximal et sécrété
par le tube distal ; un pH urinaire alcalin favorise l'élimination et évite une cristallisation
dans les tubules ; 10 % sont éliminés par la bile et les fèces (GRou, 1988).
1.6. PROPRIÉTÉS PHARMACOLOGIQUES ET ANTITUMORALES
Le méthotrexate possède une forte affinité pour la dihydrofolate réductase cellulaire ou
DHFR (SCHWEITZER, 1990 ; NAKAMURA, 1992). Cette enzyme assure normalement la con-
version de l'acide folique 2 en folates réduits (acides dihydrofolique 22 et tétra-
hydrofolique 23). 23 est transformé en N>,N'O-méthylènetétrahydrofolate 24, la sérine
étant donneur de méthyle. 24 permet le transport du reste 10-méthyle, notamment vers
les chaînes de biosynthèse des bases puriques et pyrimidiques, des acides nucléiques,
de la méthionine, de l'adrénaline...
L'activité cytotoxique du méthotrexate est liée à son pouvoir inhibiteur de la DHFR,
enzyme nécessaire à la synthèse d'ADN cellulaire. Cette inhibition est de nature compé-
titive ;en présence d'une concentration cellulaire élevée en acide folique, le méthotrexate
est déplacé de ses· sites de liaison sur la DHFR, laquelle recouvre son activité.
Le méthotrexate pénètre dans la cellule par le système de transport actif des folates
circulants ; il peut aussi entrer par diffusion passive lorsque sa concentration extracellu-
laire est élevée (supérieure à 20 µM). Il provoque une accumulation d'acide dihydrofoli-
que 22 et bloque ou perturbe la biosynthèse des bases puriques, pyrimidiques et des
composés cités plus haut.
Comme les folates, le méthotrexate et le 7-hydroxyméthotrexate sont métabolisés en
dérivés polyglutamiques. Cette transformation, très rapide après la pénétration du
méthotrexate dans les cellules, est favorable à l'activité cytotoxique : les dérivés poly-
glutamiques du méthotrexate, qui s'accumulent à l'intérieur de la cellule, sont également
des inhibiteurs très actifs d'enzymes nécessaires à la biosynthèse des purines (glycina-
mide-ribonucléotide transforrnylase ou GAR, aminoimidazolecarboxamide-ribonucléo-
tide transforrnylase ou AICAR, qui a pour coenzyme un dérivé tétrahydrofolique) et la
biosynthèse des pyrimidines (thymidylate synthase ou TS). Les polyglutamates persis-
tent dans les cellules après l'élimination du méthotrexate et prolongent l'inhibition enzy-
matique.
Illustration de l'action du méthotrexate, lors de la transformation de l'uracile en thymine
(PEMONT, 1995) : la thymidylate synthase (TS) réagit par une fonction thiol en établissant
une liaison covalente transitoire avec l'uracile du désoxyuridine-monophosphate ; puis,
ce complexe attaque le N,NO-méthylène-tétrahydrofolate 24 ; un réarrangement avec