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COMMENT PAyER QUELQU’UN AVEC DU PAPIER BLANC…
                  stimulus extérieur. Dans les traditions philosophiques antiques,
                  cette notion a été décrite par Platon, avec l’allégorie de la caverne, et
                  par Tchouang‑ tseu, avec le rêve du papillon ; plus récemment, elle
                  a inspiré aux frères Wachowski la saga cinématographique Matrix.



                  Cécité d’inattention
                  et cécité au changement


                    Le cerveau a des degrés de liberté et des mouvements impos‑
                  sibles. L’évolution, qui est un excellent designer, puisqu’elle produit
                  des systèmes incroyablement adaptés, cache les imperfections de
                  ses productions aussi bien à elles‑ mêmes qu’à leurs proies ou leurs
                  prédateurs. Il existe, par exemple, une imperfection intrinsèque
                  à notre système optique. On l’appelle la tache de Mariotte, c’est
                  le point aveugle de notre rétine, dépourvu de photorécepteurs,
                  qui correspond à l’endroit où s’insère le tractus optique. Ce point
                  aveugle n’apparaît pas dans notre champ visuel et nous ne relevons
                  pas une tache noire en plein milieu de notre vision. Pourtant, il
                  est bien réel.
                    De même que notre cerveau peut nous faire douter de nos capa‑
                  cités, il peut nous dissimuler ce que nous ne savons pas, ce que
                  nous n’avons pas vu, etc. On peut donc le prendre en défaut – le
                  « hacker », comme on dirait en informatique – et c’est notamment
                  ce que fait l’hypnose, en « acquérant les droits d’administrateur sur
                  notre cerveau », en court‑ circuitant notre esprit critique.
                    Le cerveau n’est pas un ordinateur, mais s’il fallait le comparer
                  à une machine, on serait impressionnés par sa rapidité de démar‑
                  rage. Elle tient au fait que, contrairement à une machine, il est
                  constamment en mouvement. De même que le vélo a un moment
                  angulaire qui contribue un peu à le maintenir droit lorsqu’il est
                  en mouvement, le cerveau a un « moment cognitif ». Son activité
                  en cours peut le rendre plus sensible à un stimulus extérieur : c’est
                  le phénomène de vigilance ; ou à une connaissance entrante : c’est le
                  phénomène de résonance cognitive, qui survient lorsque ce que
                  nous venons d’apprendre s’insère parfaitement dans nos schémas
                  de pensée. À l’inverse, lorsque ce que nous venons d’apprendre


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