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COMMENT PAyER QUELQU’UN AVEC DU PAPIER BLANC…
                  hausse de la performance, après administration d’une petite dose
                  d’alcool pur, sur une tâche motrice exigeant vitesse et précision.
                  Les deux doses testées étaient de 0,33 millilitre puis 1 millilitre en
                  équivalent d’alcool pur par kilo, soit environ une pinte et trois
                  pintes de bière à 6 % pour une personne de 90 kilos. La première
                  dose (une pinte) augmentait sensiblement la précision, mais pas
                  la vitesse ; la deuxième (trois pintes) réduisait la vitesse sur une
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                  tâche et la précision sur une autre . La conclusion de tout cela, c’est
                  que si l’inhibition réduit les performances, une substance propre à
                  « inhiber cette inhibition », et administrée dans un dosage précis,
                  peut les améliorer à nouveau. Cette vieille pratique qui consiste à
                  lutter contre le trac par une (petite) dose d’alcool se trouve validée
                  expérimentalement.
                    La désinhibition chimique permet d’augmenter nos perfor‑
                  mances justement parce qu’elle joue un rôle sur notre tendance à
                  douter de ces dernières. Or, comme notre cerveau en sait beaucoup
                  moins sur lui‑ même que ce qu’il peut réellement faire (métacogni‑
                  tion ⊂ cognition), notre tendance au doute n’est pas toujours en
                  phase avec nos performances possibles. Nous avons en nous des
                  performances « captives », aussi bien sur le plan cognitif que sur le
                  plan physique, et nous pouvons les libérer à certaines conditions,
                  par exemple sous adrénaline. Mais ne perdons pas de vue que si
                  la nature ne les a pas sélectionnées, c’est qu’elle a eu des raisons
                  de ne pas le faire – raisons qui nous dépassent et face auxquelles
                  il nous faut rester humbles.
                    Quoi qu’il en soit, l’existence de ces performances captives vient
                  confirmer que nous pouvons « libérer notre cerveau » de ses auto‑
                  matismes et de ses peurs. Ce que nous savons est plus « grand »
                  que ce que nous pensons savoir, et ce que nous savons faire est plus
                  « grand » que ce que nous pensons savoir faire. Par ailleurs, notre
                  cerveau a tendance à se conformer à ce qu’il croit de lui‑ même, et
                  de fait, lorsque nous nous persuadons que nous sommes incapables
                  de réaliser une tâche, nous avons beaucoup plus de chances d’y
                  échouer. C’est un cas typique de prophétie autoréalisatrice.



                    1.  Maylor, E.  A., Rabbitt, P. M.  A., Sahgal, A. et Wright, C., « Effects of alcohol
                  on speed and accuracy in choice reaction time and visual search »,  Acta  Psychologica
                  (1987), 147‑163.

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