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LIBÉREZ VOTRE CERVEAU !
Il en va de même pour les concentrations, de sucre, par
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exemple, ou de protons , dans la nourriture que nous consom‑
mons. Une eau à pH 7 est dix fois moins concentrée en protons
qu’une eau à pH 6, et même s’il est facile d’affûter sa langue pour
le ressentir, la plupart des gens ne font pas la différence. Un thé
dix fois dilué apparaîtra bien dix fois plus clair dans une tasse
transparente. En revanche, un jus de citron (pH 2,2) ne nous
semblera pas plus acide que du vinaigre (pH 2,8), qui l’est pour‑
tant six fois moins. Si l’on examine notre sens du goût, il décrit
bien à quel point notre système nerveux est adapté aux usages
de la nature et à la survie, et à quel point certains principes de
son organisation sensorielle se retrouvent dans l’organisation
de notre vie mentale.
Que ce soit du point de vue de la mémorisation ou de la percep‑
tion, notre cerveau souligne bien plus les signaux négatifs que les
signaux positifs. Il met davantage en évidence la punition que la
récompense parce que, dans la nature, la punition est risque de
mort tandis que la récompense est chance de repas. Les deux situa‑
tions ne jouent pas de la même manière sur notre survie, comme
en témoigne le dicton suivant : « Pourquoi le lapin court‑il plus
vite que le renard ? Parce que le renard court pour un dîner, et le
lapin pour sa vie. » Tout de même, si le renard échoue un certain
nombre de fois, il finit par mourir. Mais la probabilité observée
qu’un renard attrape une proie dans la nature reste en faveur de
la proie. C’est le life- dinner principle.
Ce même principe se manifeste dans notre sens du goût. Ainsi,
nous relevons peu le goût sucré, alors que nous sommes extrême‑
ment sensibles – et même le plus sensibles – au goût amer, que
nous relevons à de très faibles concentrations. Pourquoi ? Parce
que l’amertume est associée aux molécules qui ont un effet sur
notre système nerveux, comme la caféine (un poison pour les mam‑
mifères dans l’évolution), ou comme la conine (un des principes
actifs de la grande ciguë). Nous allons le voir, la façon dont notre
cerveau met en valeur les signaux olfo‑ gustatifs de mort imminente
est comparable à celle dont il traite les nouvelles impliquant un
risque de mort, de sorte que nous faisons preuve d’une véritable
1. Ions hydrogène, responsables de l’acidité.
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