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LIBÉREZ VOTRE CERVEAU !
                  de son hybris ambiante. Les nations, comme les humains, ont une
                  vie mentale, une psychologie, et des maladies de l’âme.
                    J’ai pour ma part retourné le problème et, en me basant sur mes
                  études en neurosciences cognitives, je me suis forgé une doctrine
                  stratégique totalement opposée. J’ai supposé que la démonstra‑
                  tion massive des armes de « construction », dans une logique
                  d’espoir et de « faire ensemble », était bien plus à même de pro‑
                  duire un résultat stratégique fort que le  shock and awe. Cette
                  doctrine géopolitique s’inscrit dans un cadre plus vaste, selon
                  lequel les armes de « construction massive » sont plus puissantes
                  que les armes de destruction massive, moins chères, plus efficaces
                  sur le court et le long terme, et, de surcroît, plus demandées dans
                  le  monde.  Un  peuple  choqué  par  la  destruction  est  acculé  au
                  désespoir, et le désespoir est dangereux (ce n’est pas pour rien
                  que l’on appelait autrefois les bandits des desperados). L’espoir,
                  lui, n’a pas de limite. Soumettre un peuple et sa vie mentale par
                  la peur, c’est une démarche qui n’a qu’une seule limite : le mur
                  du suicide. Or, il est évident que la guerre débutée en Irak en
                  2003 a créé un énorme réservoir de désespérés, que l’on voit se
                  manifester aujourd’hui.
                    Mais revenons‑ en aux activités du cerveau, et analysons une
                  autre technique de Derren Brown  : celle où il conditionne un
                  sujet à se sentir ivre alors que ce dernier n’a rien bu. La plupart
                  des symptômes de l’ivresse tiennent à une inhibition du cortex
                  préfrontal qui, lui‑ même, inhibe certains de nos comportements
                  instinctifs. Pour faire simple, si le cortex préfrontal est inhibé, nous
                  sommes désinhibés – d’où les symptômes de l’ivresse. Puisqu’elle
                  augmente la confiance en soi et réduit la part du doute dans la
                  planification d’une tâche, la désinhibition peut augmenter les per‑
                  formances et stimuler la créativité dans certaines tâches, comme la
                  résolution de problèmes ou l’écriture (mais pas dans la conduite,
                  vraisemblablement ). Dès 1987, des chercheurs ont observé une
                                     1
                    1.  Dans l’article suivant, les auteurs observent une baisse de performance dans les
                  capacités attentionnelles sur dix buveurs modérés dès 0.15 g/l. Cependant, dix n’est
                  pas un chiffre très significatif et il ne prend pas en compte les conducteurs profession‑
                  nels. La possibilité qu’une légère désinhibition augmente les performances en ôtant les
                  doutes et les hésitations au sujet reste intéressante. Voir Moskowitz, H., Burns, M. M.
                  et Williams, A. F., « Skills performance at low blood alcohol levels », Journal of Studies
                  on Alcohol (1985), 46, 482‑485.

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