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LIBÉREZ VOTRE CERVEAU !
                    Nos performances pourraient‑ elles être améliorées sous hyp‑
                  nose ? Sans doute, car l’hypnose relève en partie d’une inhibition
                  du cortex préfrontal (qui alimente notre esprit critique, nos doutes).
                  L’expérience de Derren Brown sur le sujet faussement ivre est fas‑
                  cinante parce qu’elle montre que l’activité spontanée du cerveau
                  peut éclipser son activité évoquée. Pour enivrer son sujet par sug‑
                  gestion, Brown lui demande de se souvenir exactement de l’effet
                  que produit l’ingestion d’une bière. La précision est essentielle, car
                  il s’agit de convoquer une myriade de souvenirs associés à l’ivresse,
                  de sorte que le cerveau se souvienne mieux de cet état, et d’une
                  façon plus convaincante.
                    Un des ressorts de l’hypnose, c’est aussi de mettre le sujet dans
                  un état confortable, plus confortable que celui de sa vie mentale
                  quotidienne. Plus le sujet ressentira le différentiel de confort, plus
                  il sera réactif à l’hypnose, parce que l’hypnose désinhibe, détend,
                  efface le doute et l’anxiété, et nous plonge dans un état que nous
                  ne voulons pas fuir. Comme Don Corleone, l’hypnose fait à notre
                  vie mentale « une offre qu’elle ne peut pas refuser » et c’est ce qui
                  la rend si théâtrale sur scène : elle nous donne l’impression que
                  le sujet est hypnotisé contre son gré, alors qu’il a envie de l’être
                  et que cette envie l’étonne lui‑ même (surtout s’il n’a jamais été
                  hypnotisé auparavant).
                    Derren Brown demande à son sujet de décrire la sensation que
                  procure l’ingestion d’une gorgée de bière, la chaleur, le goût, etc. Il
                  lui demande de ressentir précisément l’effet que produit la bière sur
                  sa bouche, sa gorge, puis sa tête, et ce d’une façon répétée, comme
                  s’il buvait plusieurs pintes d’affilée. Quand l’activité spontanée est
                  suffisamment solide, elle évoque des souvenirs associés, comme les
                  effets physiologiques de l’ébriété, et cette évocation est d’autant plus
                  efficace que le sujet veut se sentir ivre, car l’ivresse est une sensa‑
                  tion agréable, un choix que son cerveau n’a pas envie de refuser.
                    Quand nous nous souvenons d’une sensation, notre cerveau la
                  reproduit quasiment de la même façon que lorsqu’elle est évoquée
                  par le monde extérieur. Ce cas de neuroergonomie a suggéré aux
                  philosophes l’idée que nous sommes, dans une certaine mesure, des
                  « cerveaux dans une cuve », puisque tout ce que nous ressentons
                  relève d’une activité cérébrale, et qu’une activité cérébrale spon‑
                  tanée est capable de nous faire croire qu’elle est produite par un


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