Page 43 - Des ailes pour le Brésil
P. 43

Mes  quatre  autres  sœurs  sont  nées  après  la  guerre.  Noëlle,
                  Isabelle, Laurence et Béatrice sont toutes différentes et complexes.

                  Une vie trépidante leur a forgé une grande force de caractère, ce qui
                  fait aussi leur charme, mais qui n’est pas toujours facile à supporter !

                  Elles ont aussi bourlingué et mené une vie mouvementée hors des
                  sentiers battus.

                  Mes Chères Cinq sœurs n’ont pas toujours approuvé ma vie affective
                  et maritale, ce qui se traduisait entre nous par des périodes de silence
                  glacial.

                  Heureusement,  pour  Éliane,  ma  femme  actuelle,  mes  sœurs

                  semblent unanimement l’accepter, sans commentaire ni critiques, ce
                  que j’apprécie énormément.
                      J’ai peu de souvenirs de ma grand-mère maternelle, très pieuse,

                  toujours habillée de noir, si ce n’est son comportement autoritaire
                  et agressif pendant le rituel du repas en famille.

                  Elle nous imposait de coincer les petits os des poignets sur le rebord
                  de la table, et nous devions garder cette posture raide sur la chaise

                  après chaque plat que nous avions consommé.
                   Ce  n’étaient  pas  les  coudées  franches !  Par  mégarde,  si  nous

                  entravions cette exigence, elle saisissait avec une dextérité inouïe la
                  pointe de la lame de son couteau qu’elle retournait et nous assénait

                  avec  le  manche  un  coup  violent  sur  le  dos  de  nos  mains,
                  accompagné des remontrances habituelles. Pour parler à table, il

                  fallait lui demander l’autorisation. Quelle peau de vache !
                      Je place mon père franco-chilien en dernier sur la liste de ma
                  famille,  parce  qu’il  m’avait  terrorisé  une  bonne  partie  de  mon

                  enfance.
                   Sa punition préférée était de m’infliger des coups de ceinture et me

                  mettre la tête dans l’eau pour que j’arrête de pleurer, « la raclée » !
                  Mon père ne m’a jamais rien octroyé de bon.

                   Le seul bon souvenir que je garde de lui, c’est qu’il m’a amené
                  écouter  Madame  Buterffly  de Giacomo  Puccini  à  l’opéra.  Quel

                  délice et merveille ! J’ai éprouvé des sentiments à son égard, le jour
                  où il était mourant, à l’hôpital où toutes les infirmières l’adulaient.
   38   39   40   41   42   43   44   45   46   47   48