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PARTIE II
Le confinement est une source de souffrance.
Il y a des choses mises en place, mais insuffisantes.
Il faut être proactifs. À partir de nos patientèles,
il faut aller vers eux, les appeler au téléphone.
Jacques Battistoni, Président des médecins généralistes de France
Un des lieux où le confinement se fait le plus durement sentir sont les EHPAD. L’in-
terdiction de visite puis l’isolement dans les chambres des résidents a provoqué une
souffrance psychologique immense. Le sentiment d’être des lieux de relégation où
soignants et personnes âgées étaient oubliés a prédominé.
Confiner, c’est priver les personnes de ce qui reste lorsqu’on
vieillit : le contact avec les proches. Pourtant ce contact
aurait pu être maintenu si les moyens avaient été mis.
Si chaque EHPAD avait eu les moyens à disposition
du personnel et des familles, les résidents ne se
retrouveraient pas dans une situation d’isolement
terrible et les soignants dans un désespoir total.
Annie Thébaud-Mony, Sociologue de la santé
Ce qui peut produire du traumatisme, ce sont également les rituels de deuil non faits, tout
ce qui n’a pas été inscrit dans la personne et dans la société. Ce que Mathieu Bellahsen
appelle les « mauvaises morts », sans cérémonie, qui n’ont pas eu le droit de cité.
M. Bellahsen observe deux temps dans le traumatisme. Le premier temps, c’est lorsque
l’individu traverse l’épisode traumatique : celui-ci peut correspond à un deuil ou à une si-
tuation d’épuisement au travail par exemple. Le deuxième temps, celui qui fait le plus
effraction, c’est la manière dont la société va reprendre le traumatisme. Il appelle cela la
« trahison des siens » : par exemple, si le gouvernement dit aux citoyens de reprendre
le travail comme si de rien n’était, alors que les gens ont peur, qu’ils n’ont pas pu voir
leurs parents âgés, cela peut créer du traumatisme à grande échelle car c’est perçu
comme une trahison. C’est le cas également pour la « trahison des tutelles » à l’hôpital,
si des directeurs ignorent ou nient l’épuisement des professionnels de santé, cela peut
entraîner une vague de burn-outs. Ce deuxième temps du traumatisme, c’est la ma-
nière dont notre environnement va nous dire que ce qu’on a traversé n’est « pas si
grave que cela ». Mathieu Bellahsen évoque la manière dont la société doit mettre en
circulation nos expériences plurielles afin de limiter ce traumatisme. Auquel cas, po-
tentiellement, beaucoup de gens risquent de consulter pour des angoisses, de la dé-
pression et une forme de choc post-traumatique.

