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PARTIE II
L’ignorance des réalités vécues par les acteurs du monde de la culture ne justifie
aucunement le mépris qui transparaît de ces propos, qui dénigrent à la fois l’une
comme l’autre des professions, nécessitant des compétences très particulières et
bien distinctes.
Dans cette crise, le problème de l’accès au savoir, aux arts et à l’information a joué un
rôle majeur . Dans le secteur du numérique par exemple, « les modèles basés sur des
murs payants et la rareté artificielle ont vu leur légitimité, déjà bien entamée, s’effriter
encore plus » durant cette période, précise Lionel Maurel, spécialiste des droits d’au-
teurs à l’ère numérique. Cette crise nous a fait renouer avec un aspect d’internet perdu
depuis longtemps : l’internet comme une bibliothèque d’accès au savoir, et non plus
comme un simple outil de divertissement ou de publicité. Cependant, les grandes
plateformes ont su profiter de la crise pour tirer leur épingle du jeu. C’est l’occasion de
soulever la question de l’échelon européen et l’hypocrisie des institutions européennes
vis-à-vis des grandes plateformes, comme Amazon notamment . L’Europe est au-
jourd’hui en contradiction totale avec les principes qu’elle prône et notamment le titre
VII du TFUE sur la concurrence libre et non faussée. Tant que l’Europe ne met pas en
place et ne fait pas respecter les règles antitrust sur les ententes, les abus de position
dominantes, les monopoles et les concentrations dans le milieu culturel, il y aura
sans cesse un déséquilibre entre les acteurs. « L’Europe a les outils pour casser ces
monopoles mais elle ne les utilise pas » souligne Alexandre Schon, membre du livret
numérique de la France insoumise.
Le gouvernement n’est toujours « pas à la hauteur du désastre qui s’annonce » alerte
Karine Louineau . Pourtant et plus que jamais, ce dont le secteur a besoin pour survivre,
c’est d’une politique culturelle publique forte. Comme disait Jack Ralite, « l’effondrement
du politique entraîne l’effondrement du poétique » rappelle Christian Benedetti, acteur
et directeur du Théâtre-Studio d’Alfortville. Mais cette perspective dépend de l’idée
que nous nous faisons de la culture : est-ce un simple bien de consommation ou une
œuvre partageable pour le bien de la société ? Tant que nous ne romprons pas avec la
conception marchande de la culture, Alexandre Schon considère que « tous les méca-
nismes de pensées politiques sur lesquels nous raisonnons pour légiférer autour de
l’accès à la culture seront sclérosés ». Et l’humain et l’émancipation intellectuelle seront
relégués au second plan.

