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                     3 / LA CULTURE ABANDONNÉE


                     Avec la fermeture des lieux de création et des lieux de diffusion, entraînant l’arrêt de
                     la quasi-totalité des activités du secteur, ce sont des centaines de milliers de profes-
                     sionnels de la culture qui ont dû cesser leur activité brutalement . Depuis, le sentiment
                     qui prédomine est celui de l’incertitude. Sans ressources, beaucoup se retrouvent dans une
                     situation d’extrême précarité. Libraires, critiques d’art, artistes-plasticiens, intermittents,
                     galeristes, commissaires d’expositions, guides conférenciers, petits éditeurs etc. de
                     nombreux travailleurs dans leurs secteurs respectifs redoutent de ne pas pouvoir « passer
                     l’été » selon l’expression de Xavier Moni, libraire et président du Syndicat de la librairie
                     française. Comme l’a si justement souligné Katerine Louineau, membre du CAAP (comité
                     des artistes-auteurs plasticiens), lors de son audition : « La crise actuelle exacerbe les
                     iniquités, les discriminations, les trappes de pauvreté. »

                     Les professionnels de la culture ont été laissés à l’abandon et sans ressource, depuis
                     début mars. Il existe un réel problème de compréhension de leur secteur professionnel
                     et de leur prise en compte par le ministère de la Culture. Pour reprendre leurs propos,
                     « le ministère ne sait pas gérer les créatrices et les créateurs ». Lorsque des mesures
                     générales sont prises, « nous sommes toujours les premiers oubliés » . Et Katerine
                     Louineau d’ajouter : « cet impact économique de la crise sanitaire sur la création
                     montre la profonde inadéquation de la gestion en silo du ministère de la Culture, qui
                     continue de confondre création et diffusion ». Pourtant essentiels à la création et à la
                     diffusion  de la culture,  les  artistes-auteurs pâtissent  toujours  d’un véritable angle
                     mort des politiques publiques à leur sujet. Les intermittents, de leur côté, sont parvenus
                     à obtenir le report de leur date anniversaire en août 2021. Une maigre victoire quand
                     on sait que la mesure ne concerne pas tous les intermittents. Mais ces mesures ne
                     résoudront pas le sentiment d’insécurité de l’emploi et d’inégal accès aux droits à la
                     couverture sociale qui préexistaient et que la crise a mis en exergue.


                     Au lieu de leur accorder la confiance qu’ils méritent dans cette gestion de crise, en
                     connaissance de cause et des réalités du terrain, le gouvernement préfère infantiliser
                     les professionnels des arts et du spectacle, tout comme il le fait d’ailleurs avec l’ensemble
                     des Françaises et des Français depuis le début de la crise. Pourtant, que ce soit dans le
                     spectacle vivant, les arts visuels, le numérique ou encore les livres, tous s’accordent à dire
                     qu’il faut faire confiance aux acteurs, qui ont « une volonté réelle de vivre dignement
                     des vocations de création et de permettre une libre circulation des connaissances et
                     des informations aujourd’hui » comme le souligne Xavier Moni. Mais il est important
                     de souligner qu’il ne pourra pas y avoir un libre accès aux œuvres tant que la question
                     de la rémunération en général, de la création et de l’artiste, ne sera pas résolue.

                     Dans chaque secteur, le constat est le même : les auditionnés ne se sentent ni soutenus,
                     ni même écoutés par les pouvoirs publics . Le ministère est alerté depuis de nombreuses
                     années des difficultés rencontrées sur le terrain, mais rien n’est fait pour y remédier
                     et trouver des solutions pérennes. Les mesurettes et le saupoudrage ne suffisent plus.
                     Les professionnels du monde des arts et de la culture ont pourtant été force de propo-
                     sition, mais la mobilisation de l’État n’a pas été à la hauteur des attentes espérées. Les
                     dernières mesures proposées par le président de la République ont ainsi ignoré les
                     travailleurs indépendants et tous les oubliés de la culture, qui représentent pourtant
                     une proportion très importante des professionnels du secteur, estimée par le collectif
                     « Les artisans du spectacle » à près d’1,3 million de personnes . On s’interroge par ailleurs,
                     lorsque dans son discours du 6 mai, il suggère aux intermittents d’endosser le rôle
                     d’éducateurs  ou  d’animateurs  scolaires  afin  qu’ils  puissent  « faire leurs heures ».
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