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PARTIE II
Anne, une enseignante dans un collège de Seine-Saint-Denis que nous avons audi-
tionné, s’est par exemple aperçue que pour les exercices envoyés dans le cadre des
cours à distance, seuls 20% des élèves répondaient dans la semaine dans le meilleur
des cas, tandis que les 80% autres ne donnaient pas signe de vie. Certains s’inquiètent
également de la surcharge de travail domestique et d’éducation ainsi créée pour cer-
taines femmes, qui se retrouvent parfois dans le cadre monoparental mais aussi de
couple à cumuler seules (ou presque) télétravail, tâches domestiques, enseignement à
la maison, éducation des enfants, voire prise en charge de personnes âgées de la famille.
Le sentiment dominant, tant pour les chefs d’établissements, les parents d’élèves,
que pour les personnels, a été celui d’une grande impréparation, beaucoup d’improvi-
sation, la généralisation d’un « système D » pour pallier les manques de consignes et
de cadres proposés par l’Education nationale. L’école obligatoire à 3 ans, malgré une
intention louable, et faute de personnels en nombre suffisant, a conduit à doubler ou
tripler les effectifs de certains établissements, rendant aujourd’hui impossible le respect
des gestes barrières. L’absence de statut clairement établi des ATSEM, rattachés au
ministère des comptes publics, les a majoritairement exclus des liens maintenus
avec les jeunes enfants lors du confinement, de même pour les AESH, dont l’implication
a été variable selon les rectorats et les établissements. Autre disparité : celle des moyens
mis à disposition des personnels : « on utilise des produits différents selon les établis-
sements », remarque Mélodie Jacques, ATSEM.
Plus que de « continuité pédagogique », c’est l’accompagnement personnel, parfois
psychologique, des élèves qui aura été au cœur de la motivation des enseignants et
des agents durant la période du confinement. Comme soulevé par le co-président de
la FCPE, Rodrigo Arenas, la question n’était pas tant de savoir « quand » organiser la
reprise, mais pourquoi : quel sens donner à l’école ? Garderie pour permettre la reprise
économique, lieu de formation et de sociabilisation ? Une inquiétude est également
partagée sur une possible généralisation de l’enseignement à distance, alors même
que cette crise aura été l’occasion d’en démontrer toutes les limites, malgré les inno-
vations pédagogiques permises par la multiplication des formats (vidéo, jeux interactifs,
musique, etc.). Une appréhension qui s’est prolongée également au moment du
déconfinement, au sujet de ses modalités pratiques et de la question de la responsabilité,
tant pénale que morale, de chacun.
Quant aux lycéens, le confinement fut aussi très difficile. Par sa réforme du bac et des
lycées, le ministère de l’Education nationale avait posé les bases d’une année terrible
pour les lycéens. Le confinement n’a fait qu’aggraver la situation. En voie professionnelle,
les élèves n’ont plus accès à des disciplines d’enseignements général (mathématiques,
sciences, français, arts appliqués, histoire-géographie), pourtant vecteur d’émancipation,
d’intégration et qui aurait pu permettre de faire accepter leur dossier dans l’enseignement
supérieur. En voie générale, l’instauration des spécialités de cours pour les élèves, n’a
fait que développer une sélection géographique et a induit une sélection sociale. Par
le confinement et l’absence de notes au troisième trimestre, les élèves de seconde
risquent fortement de subir une spécialisation imposée à compter de leur année de
Première. Les nouvelles E3C (épreuves communes de contrôle continu), qui ont été mises
en place sans préparation et ayant soumis les élèves et enseignants à une pression
permanente, ont été reportées ou annulées dans 228 lycées, et bloquées ou perturbées
dans 203 lycées. Elles ont été annulées pour le troisième trimestre. La décision de
maintenir la prise en compte des notes de ces E3C, par le ministre M. Blanquer, ôte
tout le sens d’un contrôle, censé être continu, et ne fait que sanctionner davantage les
élèves.

