Page 27 - L'Empreinte du temps
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Clarice  retourna  au  commissariat  vers  midi.  Elle  n’avait  guère
          d’appétit bien qu’elle se contraignit à aller s’acheter, juste à côté, un
          jambon-beurre  histoire  d’alimenter  le  moteur  en  carburant.  Dans
          l’état de fatigue où elle se trouvait il valait mieux prendre quelques
          forces. Le sandwich avalé en moins de cinq minutes elle décida de
          s’accorder une petite pause. Pas vraiment une pause d’ailleurs dans
          la mesure où le but était d’enchaîner quelques tasses de café bien
          noir, bien corsé pour parvenir à tenir les yeux ouverts.
           Elle se rendit ensuite jusqu’à son bureau afin de traiter quelques
          affaires courantes. Traiter, doux euphémisme consistant comme la
          quasi-totalité  de  ses  collègues  nationaux,  à  prendre  la  pile  des
          plaintes contre X enregistrées un mois plus tôt afin d’y apposer le
          tampon  « Vaines  recherches »  et  ainsi  les  classer  aux  archives. En
          sachant  qu’aucune  recherche  n’avait  été  entreprise  compte  tenu
          d’un manque criant de temps, de moyens et d’effectifs. Au début ce
          mécanisme universel en œuvre depuis des décennies dans tous les
          commissariats  français  l’avait  choqué.  N’y  avait-il  pas  une  forme
          d’hypocrisie  dans  le  fait  de  mentionner  de  vaines  recherches  qui
          n’avaient jamais été entreprises ? Puis elle avait fini par s’y habituer.
          De toute façon même en y consacrant toutes ses nuits, tous ses week-
          ends y compris les vacances cela n’aurait permis d’aboutir qu’à de
          maigres résultats d’autant plus amers que les auteurs de ces délits
          n’auraient  sans  doute  fait  l’objet  d’aucune  procédure  devant  les
          tribunaux répressifs. La Justice était aussi mal lotie que la Police et à
          moins d’accepter de surencombrer encore un peu plus des tribunaux
          totalement débordés les membres du personnel judiciaire n’avaient
          souvent  d’autre  choix  que  de  classer  eux-mêmes  de  nombreux
          dossiers sans suite. La plupart du grand public ignorait ces pratiques
          nécessaires pour maintenir leurs services la tête hors de l’eau mais
          les délinquants, fussent-ils en herbe, les connaissaient quant à eux
          parfaitement comme le gage d’une forme d’immunité.
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