Page 27 - le barrage de la gileppe
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                  Le lavage des laines, la teinture, le rinçage, le lavage des pièces exigent une eau exempte de
             calcaire; or, l’eau de la Vesdre en contient en quantité énorme. « Des analyses faites pendant une
            période de près de 9 ans, par le regretté M. Paul Havrez, directeur de l’Ecole professionnelle de
           Verviers ont démontré, nous dit M. Mathieu Nissen, qu’un mètre cube de cette eau contient un
           demi kilogramme de matières minérales dont un tiers de kilogramme de calcaire (ce calcaire est

           de la craie dissoute dans un excès d’acide carbonique).


               C’est ce calcaire qui donne le dépôt blanc dans les bouilloires de nos ménagères après quelque
           temps de service et qui nécessite les nettoyages fréquents de nos chaudières à vapeur. « Si
           j’ajoute qu’un kilo de calcaire transforme en écume insoluble dix kilogrammes de savon, vous
           constaterez immédiatement avec moi que dans le dégraissage et dans le foulage un mètre cube
           d’eau de la Vesdre fait perdre 8 k.300 gr. de savon soit près de 4 francs avant de pouvoir

           mousser. « Dans le rinçage, le calcaire forme avec le savon, une écume, insoluble qui se dépose

           sur les fibres laineuses; la laine ou l’étoffe est alors raidie, sans douceur et elle donne des teintes
           ternes, sans éclat, sans pureté.


                En présence de tels faits, il ne suffisait pas de se plaindre, il fallait agir ; c’est ce qu’on fit,

           mais
                 lentement. Les études demandèrent dix années et les travaux durèrent à peu près autant. En
           attendant un remède radical on employait deux palliatifs pour remédier au mal : on filtrait les
           eaux du canal ou de la rivière et on allait chercher l’eau où elle se trouve encore pure, en
           construisant des établissements en amont de Verviers.

                 L’opération du filtrage enlevait aux eaux une certaine partie des matières insolubles quelles
           contenaient en  suspens, mais on n’était pas parvenu à les dépouiller des sels et matières solubles

           quelles contenaient en dissolution.

                C’était déjà quelque chose que de dépouiller l’eau des matières insolubles qui ternissent les
           fibres de la laine en s’y attachant, mais ce n’était pas assez, il restait les sels, les acides, et toutes
           les matières solubles qui contrarient énormément les manipulations diverses par lesquelles la
           laine doit passer. Les eaux de la Vesdre contenaient à tel moment, tels sels ou acides et à tel autre

           moment tels autres sels et acides différents. On faisait des essais, un jour ils réussissaient, le

           lendemain on opérait en grand et on obtenait un résultat défavorable, causé uniquement par le

           changement de la nature des sels et acides contenus dans l’eau.

                Et tous ces inconvénients n’étaient pas les seuls, les filtres demandaient un entretien
           considérable pour ne produire que de petites quantités d’eau filtrée. Le second moyen, qui
           consistait â établir des usines en amont de Verviers, était certes excellent au début ; mais chacun
           voulant avoir l’eau la plus pure, on vit une course au clocher qui fut favorable seulement aux

           propriétaires des terrains riverains de la Vesdre en amont de Verviers.


             On conçoit aisément quels étaient les inconvénients d'un tel système. D’abord, tels
             établissements prospères et admirablement outillés, se trouvaient en quelques mois dans une

           situation fâcheuse sous le rapport de la pureté des eaux: ils recevaient hier une eau pure, des
           usines établies en amont la lui envoient aujourd'hui impure.

                                                        .
             Ensuite, en montant toujours, toujours, ce qui serait arrivé, on aurait été jusqu'à la source de la
           Vesdre, et la rivière aurait été fatalement perdue. Enfin, le troisième inconvénient, consiste dans
             l’émigration que cette course au clocher nécessitait.

             On ne peut toujours remonter le cours d’une rivière en restant dans la même commune,

           l’industrie verviétoise se déplaçait donc et nous étions voués à la ruine. Sans l’industrie que
           devenait le commerce à Verviers, que devenaient les immeubles ? Il fallait donc un grand
           remède, un remède énergique : c’est celui qui fut appliqué.
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