Page 37 - le barrage de la gileppe
P. 37
37
M. Bidaut exposa son programme qui fut assez bien goûté. Mais un certain Hansemann, fils
d’un ministre prussien, crut devoir lui demander « s’il pouvait garantir que jamais ce mur de
barrage ne céderait ni se briserait ». M Bidaut ne s’était rendu à Eupen qu’à son corps
défendant. Il répliqua assez plaisamment : « Oh ! cela, monsieur, il faudrait le demander au
bon Dieu ; lui seul peut le savoir. Sans doute, nous ferons notre ouvrage le plus
consciencieusement, le plus solidement possible, mais vous donner les garanties que vous me
demandez, je ne le puis
pas... «
— Dans ce cas, répondit sentencieusement Hansemann, nous préférons renoncer à
l’entreprise plutôt qu’exposer nos concitoyens et nos familles à une pareille catastrophe. »
Et Bidaut, qui n’avait aucune sympathie pour le barrage de la Haute-Vesdre, prit congé des
autorités allemandes, en glissant à l’oreille de son ami Doret quelques paroles peu flatteuses
pour nos voisins de l’Est. Il était plus décidé que jamais à porter ses efforts sur le barrage de la
Gileppe, qui seul pouvait donner un résultat pleinement satisfaisant pour Verviers.
L’issue de ces négociations, entreprises uniquement par suite de préoccupations
économiques, fut des plus heureuses pour nous, car Verviers n’avait rien à gagner dans la
réalisation de cette idée bizarre de transporter en Allemagne l’instrument de notre industrie, la
source de notre santé et de notre bien-être, la garantie de notre avenir ; M. Bidaut l’avait au
reste merveilleusement compris.
Le 17 mai 1864, le gouvernement prussien répudiait définitivement les plans du barrage sur
la Vesdre, endossant ainsi à la Belgique les frais des études
préliminaires s’élevant à environ 80 000 F. Cela n’empêche que nous devions nous féliciter
d’en avoir fini à aussi bon compte de nos palabres avec nos voisins de l’Est.
Ajoutons à ces précisions de M. Cryns que dans la Ville basse d'Eupen, le projet avait jeté
l’alarme et la consternation La nouvelle récente d’une rupture de barrage à l’étranger avait
fortement impressionné la population des bas quartiers. Des pétitions circulaient et les
appréhensions qu'elles exprimaient furent traduites par le sieur Hauseman.
Le fils du ministre prussien ne se doutait guère que quatre-vingt-cinq ans plus tard, dans
ces mêmes parages devenus territoire belge, un barrage bien plus « colossal » Relèverait
sans semer cette fois l’inquiétude chez les riverains d’« unter- Hass ».
Décembre. — M. Bidaut se décide à adopter le projet de barrer la Gileppe et abandonner les
projets de barrages de la Helle et de la Soor qui se jettent dans la Vesdre en amont de Verviers.
Ce choix est basé sur le grand rapprochement de la Gileppe et sur cette considération que ce
ruisseau est le seul qui ait les deux versants sur le sol belge.Il fallait encore trouver un site où la
vallée était étroite et où la dureté de la roche donnait suffisamment de garanties pour y accroche
solidement les maçonneries.
Et cependant, quelques années avant la guerre de 1914, les plans furent présentés en vue
de l’érection d’une digue retenant les eaux de la Haute-Vesdre en un point situé au pont de
Bellesfort, à hauteur de la Venn-Kreutz. La ville d’Eupen avait même acquis des hectares de
forêt qui devaient être englobés dans la surface inondée. Elle en est demeurée propriétaire.
La guerre de 1914-1918 empêcha la réalisation de ce projet. Ajoutons qu’ Eupen disposait,
depuis 1901, d’un petit barrage sur la Vesdre, à la frontière belgo- allemande. Les eaux étaient
amenées par canalisation souterraine aux étangs de la Clouse, dont le ruisseau, du même nom,
se jette dans la rivière en amont d'Eupen