Page 10 - Grimoire de Sorcellerie et Manichéisme
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Si magie noire et magie blanche ont toujours peuplé notre folklore, le terme
de sorcellerie ne s'est réellement précisé qu'avec l'affirmation de la religion
chrétienne en Occident, à partir du IVe siècle. Comme tout dogme dominant,
celle-ci a assis ses rites en reniant les cultes païens qui divisaient l'Europe. La
magie, autrefois rituelle et intégrée aux mœurs, fut traquée et caractérisée
comme diabolique car elle consistait à "contraindre Dieu". Parmi les crimes des
sorciers pointés du doigt par le christianisme, on retrouve ceux de maudire
Dieu, de faire hommage au diable et de l'adorer; dès lors, cette science
occulte fut irrémédiablement inscrite dans un contexte religieux.
Associé à la représentation chrétienne du mal, le sorcier devint une partie
intégrante du bestiaire infernal, rassemblant les pires aspects de la
personnalité humaine : orgueil, haine, envie, désir de richesse et stupre. Une
figure aux antipodes du bien, malveillante et cruelle, usant d’envoûtements et
autres maléfices pour sévir autour de lui grâce au pouvoir accordé par son
maître le diable.
"Le sabbat des sorcières", Francisco de Goya, 1798
La religion chrétienne étant bâtie sur une opposition entre bien et mal, Dieu
et le Diable, la considération du sorcier comme une figure manichéenne était
inévitable. On opposa cette figure diabolique aux lumières divines sans espoir
de rédemption ; si le sorcier était la noirceur pure, les prêtres portaient le
message des lumières divines.
L'expansion chrétienne en Europe répandit l'idée du sorcier et de la sorcière
maléfiques; le premier témoignage littéraire de cette évolution dans la
considération du sorcier date de la légende arthurienne, écrite vers le début
du VIe siècle, où l'on peut voir la fée Morgane se métamorphoser en sorcière
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