Page 60 - LNVF
P. 60

l’accès  aux  allocations  proposées  par  l'Etat  n’est  pas  alors  possible.  Pour
               tous  ceux  et  toutes  celles  qui  sont  à  la  rue,  le  confinement  et  la  quasi-

               disparition  de  la  monnaie  métallique  comme  instrument  d’échange,
               tarissent  les  quelques  revenus  issus  de  la  mendicité  et  propagent

               l’insécurité sociale et sanitaire mais aussi la faim.

               Le  semi-enfermement  dans  l’espace  domestique  intensifie  également

               l’exploitation  du  travail  d’une  partie  de  la  population  et  notamment  des
               femmes  des  classes  populaires  et  des  classes  moyennes  exposées
               simultanément à une triple journée de travail faite de surcharge de travail

               domestique, de prise en charge de l’accompagnement scolaire à la maison et
               de  télétravail  ou  de  poursuite  de  l’activité  professionnelle  sur  le  lieu  de
               travail habituel. La fermeture des établissements scolaires et des services

               de  garde  réactive  la  division  genrée  de  la  prise  en  charge  familiale  des
               enfants et des adolescents. Les enquêtes montrent qu’en temps ordinaire le

               télétravail  accroit  sensiblement  la  charge  matérielle,  mentale  et
               émotionnelle des femmes dans l’espace domestique. Avec le confinement,
               les tâches quotidiennes à assumer au foyer et à planifier, à l’instar des repas

               familiaux  beaucoup  plus  nombreux,  sont  considérablement  alourdies,  ce
               surtravail incombant principalement aux femmes.


               Parallèlement  dans  l’espace  professionnel,  les  métiers  très  féminisés
               tournés  vers  le  soin  aux  autres  -  les  métiers  du  « care »  - sont  les  plus
               exposés au risque de contamination : infirmières, auxiliaires de vie, métiers

               de service, caissières, agentes d’entretien, métiers de l’éducation. Dès lors,
               l’enchevêtrement des tâches à accomplir et des risques à assumer, conduit

               nombre de femmes au bord de l’épuisement physique et psychique. Alors
               qu’Emmanuel Macron, dans une mise en scène martiale, réunit à l’Elysée un
               Conseil scientifique du Covid-19 composé quasi-exclusivement d’hommes,

               l’expertise masculine mène l’offensive tambours battants sur les plateaux
               de  télévision,  indifférente  le  plus  souvent  au  surinvestissement  contraint
               des femmes. La non reconnaissance du surtravail et de la surexposition aux

               risques  dans  l’espace  privé,  est  ainsi  redoublée  par  l’invisibilisation  et  la
               précarisation symbolique des « premières de corvée » dans l’espace public.


               Ces précarités cumulées se conjuguent à l’expérience de l’atomisation des
               personnes  que  le  confinement  détache  des  liens  sociaux  tissés  autour  de

               l’exercice  du  métier  et  des  activités  sociales  non  professionnelles  –


                                                           60
   55   56   57   58   59   60   61   62   63   64   65