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associatives,  sportives,  de  voisinage,  militantes,  etc.  Cette  déliaison  est
               tendanciellement  plus  forte  dans  les  groupes  sociaux  les  plus  dominés,

               quand le lien social avant le déclenchement de la crise sanitaire pouvait être
               déjà abimé notamment par la désaffiliation de l’emploi qui souvent défait

               les attaches familiales et affectives et distend les autres liens sociaux.              Le
               dispositif  du  confinement  s’avère  en  outre  singulièrement  anxiogène  en
               rendant impossible une partie des contacts directs avec les proches dans

               une période où s’avive le besoin vital de compter à la fois sur les autres et
               pour les autres.




                La « société de vigilance » accentue la vulnérabilité des classes
                   populaires


               L’expérience de la « distanciation sociale » et des gestes « barrières » dans
               l’espace  public  peut  également  fragiliser  la  confiance  dans  les  relations
               sociales,  a  fortiori  dans  une  période  où  les  individus  sont  privés  de  leur

               liberté de mouvement. Face au risque de contamination, le contact avec les
               autres devient beaucoup plus incertain. De nouvelles formes d’autocontrôle
               transforment  les  gestes,  les  attitudes  corporelles,  les  expressions,  les

               déplacements… Ces nouvelles normes de comportement, où les pratiques
               déviantes exposent à des contraventions, voire à des gardes à vue, et plus
               sûrement encore à la désapprobation de celles et de ceux qui en sont les

               témoins,  encouragent  le  repli  dans  l’espace  privé.  Dans  ce  contexte,  le
               confinement forcé dans les foyers peut aussi être vécu comme une passion

               triste,  un  évitement  de  l’anxiété  sociale.    Cette  peur  des  autres,  la  parole
               gouvernementale relayée par les chaines d’infos en continu n’a de cesse de
               la propager : Président et ministres se défaussent de leur propre incurie sur

               les « français » « immatures » et « irresponsables », coupables de répandre
               l’épidémie  en  s’aventurant,  par  exemple,  dans  les  parcs  alors  qu’on  leur
               demande le même jour d’aller voter.


               Les mots qui s’imposent pour distinguer les conduites souhaitables et les
               conduites proscrites épousent la doctrine discrètement paranoïaque de la

               « société  de  vigilance »  promue  par  Emmanuel  Macron.  La  confusion
               volontaire faite entre « distanciation sociale » et « distanciation physique »

               et « gestes barrières » et « gestes protecteurs » participe aussi à la diffusion
               de  cette  perception  angoissée  des  « autres »  et  de  son  corolaire,
               l’assignation à collaborer à la surveillance de tous par tous.  Durant ces huit


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