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semaines  de  confinement,  vécues  dans  des  conditions  matérielles  très
               inégales  et  où  des  solidarités  se  renforcent  et  d’autres  se  délitent,  les

               frustrations accumulées peuvent trouver un exutoire dans des logiques de
               ressentiment tournées contre ceux et celles qui transgressent les règles. La

               parole officielle invente et diffuse les figures imaginaires responsables de la
               propagation  du  Coronavirus  –  les  joggers,  les  fêtards,  les  jeunes  des
               quartiers  …  -  pour  mieux  occulter  l’impéritie  de  sa  gestion  de  la  crise

               sanitaire.

               Cette stratégie de culpabilisation des citoyens encourage la délation : selon

               le syndicat Alternative Police, à la mi-avril 2020 le nombre d'appels pour
               dénoncer  des  personnes  qui  ne  respectaient  pas  les  règles
               du confinement  dans les grandes agglomérations pouvait représenter près

               des ¾ des appels.
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               La  propagande  officielle infantilisante  et  la  gestion  autoritaire  de  la  crise
               sanitaire  accentuent  plus  particulièrement  les  vulnérabilités  des  classes
               populaires.  Sur  le  plan  symbolique,  ce  sont  bien  les  habitants  des

               « quartiers » qui sont implicitement désignés comme les principaux auteurs
               d’incivilité sanitaire pendant le confinement tandis que l’exode des classes
               dominantes  vers  les  résidences  secondaires  échappe  à  la  vindicte

               gouvernementale.  Les  conditions  pratiques  d’existence  imposées  par  les
               décisions  présidentielles  accroissent  également  les  privations  de  bien
               commun  pour  les  classes  populaires  qui  sont  soit  assignées  à  résidence

               dans  des  logements  parfois  exigus  et  surpeuplés,  soit  contraintes  de  se
               rendre sur le lieu de travail, y compris via des transports bondés, ou dans

               les  grandes  surfaces  quoi  qu’il  en  coûte  pour  leur  santé  et  celle  de  leurs
               proches.  Dans  les  départements,  nombre  de  préfets  donnent  dans  la
               surenchère  propice  à  leur  déroulement  de  carrière,  en  durcissant  les

               injonctions gouvernementales. Sont ainsi empêchées les promenades qui ne
               présentent aucun risque sanitaire - en forêt, en montagne ou sur le littoral.
               Des moyens policiers considérables sont mobilisés  - drones, hélicoptères,

               moto cross, 4x4, quads, patrouilles en VTT ou à pied - pour interdire l’accès
               aux  espaces  naturels,  aux  ressources  alimentaires  et  aux  plaisirs  gratuits
               qu’ils procurent et à ces moments rares et réparateurs où la domination qui

               maltraite les dominés, est comme provisoirement suspendue.



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                     https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/confinement-la-delation-represente-jusqu-a-70-des-appels-
               dans-certaines-grandes-agglomerations-selon-le-syndicat-alternative-police_3914689.html
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